Tout ce qui nous sépare

En 1991, Jil Caplan a eu son heure de gloire avec cette chanson où elle évoquait une rupture amoureuse et dont le refrain reprenait ad libitum « au nom de tout ce qui nous sépare ». Le slogan de Manuel Valls, inscrit sur le pupitre dans la salle d’Évry où il a déclaré sa candidature, m’est apparu aussi ambigu et contradictoire : « faire gagner tout ce qui nous rassemble ». Le propos me semble osé de la part d’un Premier ministre qui jugeait il y a peu qu’il existait deux gauches irréconciliables.

À ceci près que l’on peut se demander si la défense et l’illustration de la loi sur le travail, dénommée trompeusement loi El-Khomri, font encore partie d’une politique de gauche. Manuel Valls milite depuis longtemps pour un virage libéral du Parti socialiste, dont il aimerait au passage changer le nom pour éviter toute confusion. Son créneau n’est pas si différent de celui d’Emmanuel Macron qui fut son ministre de l’Économie et cherche à chasser sur les terres du centre droit, désertées par François Fillon. Évidemment, cela en fait un de trop, au moins. On dit bien qu’il ne peut pas y avoir deux crocodiles dans le même marigot, sans qu’il y en ait un qui dévore l’autre. Pendant cette primaire de gauche, risque de se poser la question qui a agité la primaire de la droite et du centre, à savoir qui serait le candidat le mieux placé pour gagner devant l’extrême droite. On a vu comment le favori des sondages avait été éliminé.

Si pour gagner l’élection présidentielle à gauche il faut abandonner tout ce qui en fait la spécificité, c’est-à-dire une ambition de justice sociale et de progrès partagé, je n’en vois pas vraiment l’intérêt. D’autant plus que le succès est loin d’être garanti pour autant. Il suffit d’observer les résultats du référendum en Italie. Matteo Renzi, qui s’est positionné sur le même terrain que Manuel Valls cherche à le faire, a fini par cristalliser contre lui les mécontentements de diverses factions et provoquer l’insatisfaction de ceux-là mêmes qui l’avaient porté au pouvoir. Lui aussi avait cru devoir « moderniser » l’économie à marche forcée et se poser en homme providentiel, incarnant l’autorité. Comme Cameron, il a commis l’erreur de lier son sort à celui d’un référendum, sur le mode « retenez-moi ou je fais un malheur ». On a vu ce qu’en pensaient les Italiens, comme les Anglais. Manuel Valls semble calquer son parcours sur celui de Sarkozy, à la hussarde. Il pourrait finir directement aux oubliettes de l’histoire, sans passer par la case présidentielle et toucher 20 000, comme au Monopoly.

Commentaires  

#1 jacotte 86 06-12-2016 11:39
à la place de Manuel Valls je ne méfierais il y a comme une épidémie de méfiance populaire sur l'Europe aussi mortelle que les bronchites du mois de décembre pour les jeunes loups aux dents longues!!!
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