Condoléances

À part le diamant, ce meilleur ami de la femme selon Marylin Monroe, seuls les regrets seraient éternels. Et cependant, l’Assemblée nationale était invitée à se prononcer sur l’interdiction de substances chimiques, connues sous le nom générique de PFAS, prononcez pifasses, un acronyme du nom barbare des « produits per et polyfluoroalkylés », dont un est bien connu du public puisqu’il s’agit du téflon, commercialisé depuis 1945 sous la marque Téfal. La particularité des PFAS, qui leur a valu le surnom de « polluants éternels », c’est leur résistance presque infinie à la dégradation, qui conduit à une accumulation dans la nature puis dans le corps humain de toxiques susceptibles de désordres nuisibles à la santé.

Tout le monde connait le pouvoir antiadhésif des poêles en question, encore très largement utilisées dans le monde, malgré les mises en garde des scientifiques. En France, c’est le groupe SEB qui les fabrique et son PDG a mené une campagne de lobbying très active, ce qui est légalement autorisé, mais moralement contestable, d’autant plus que le patron a fait pression sur ses employés pour qu’ils manifestent contre le projet de loi, exerçant ainsi un chantage à l’emploi totalement inacceptable. Il y avait d’ailleurs une référence gênante dans ce concert de casseroles orchestré par le patronat, qui me rappelait celui des partisans de l’Algérie française qui contestaient la légitimité du pouvoir élu démocratiquement au nom des intérêts particuliers des colons et de leurs descendants. Une chose est certaine, c’est que les députés ne sont pas insensibles aux arguments des puissants, contrairement à « ceux qui ne sont rien », puisqu’une solution a été trouvée, à la grande satisfaction des industriels concernés. Les PFAS, comme le nuage de Tchernobyl, s’arrêteront à la porte de la cuisine. Autant leur nocivité est établie et confirmée partout ailleurs, autant les PFAS auront droit de cité dans les ustensiles de cuisine, exclus du périmètre de sécurité et du cordon sanitaire général. Elle n’est pas belle, la vie ?

Quand des intérêts économiques sont en jeu, tous les coups sont permis. On a vu des politiques échanger publiquement leurs cartes de visite avec les représentants des entreprises concernées. On essaye de dissocier les expertises scientifiques sur les différents produits contestés, en tâchant d’introduire un doute sur la nocivité éventuelle. On fait miroiter le maintien de milliers de salariés pour la fabrication de ces ustensiles, dont on ne saura plus que faire si le grand public prend conscience du risque majeur pour la santé que cette politique à court terme fait peser sur la société. La plupart des scientifiques plaident pour une étude globale des inconvénients liés à cette technologie, et comme il est d’usage dans le domaine scientifique, à une évaluation de la balance bénéfices-risques, comme pour les médicaments. Si le principe de précaution ne peut pas être applicable partout et tout le temps, il est suicidaire de l’ignorer totalement.