Orange mécanique

On aura beau me dire et m’expliquer que le niveau de violence dont peuvent faire preuve les adolescents entre eux n’a pas véritablement augmenté depuis le siècle dernier, comme en témoigne le film de Stanley Kubrick datant de 1971 qui était supposé être une œuvre de science-fiction, l’accumulation de faits-divers touchant des jeunes, dont l’un a malheureusement abouti au décès d’un collégien de 15 ans à Viry-Châtillon, me pousse à m’interroger sur ce phénomène, comme vous probablement. Ce qui est peut-être le plus troublant, c’est l’incapacité des adultes, qu’ils soient parents, enseignants, éducateurs, ou simples citoyens comme moi à comprendre les motivations de cette violence, et à plus forte raison l’empêcher.

La plupart du temps, les motifs invoqués nous paraissent futiles, en comparaison des conséquences dramatiques qu’ils entraînent, à la fois pour les victimes, naturellement, mais aussi pour les agresseurs qui peuvent voir leur vie basculer pour avoir participé à des actions d’une gravité extrême dont ils n’ont pas vraiment conscience. Dans la même semaine, en plus de Shamsedddine, passé à tabac et blessé mortellement par 4 mineurs et un jeune adulte, c’est Samara, âgée de 13 ans, qui était agressée à la sortie du collège à Montpellier, rouée de coups par une vingtaine de mineurs, qui a dû être placée momentanément en coma artificiel, et enfin à Tours, une adolescente de 14 ans était victime de cinq jeunes filles de 11 à 15 ans pour « une histoire de garçons ». Certes, la violence fait partie des phénomènes liés aux mutations causées par le passage difficile à l’âge adulte, ce que Françoise Dolto appelait le « complexe du homard », cette période de mue où le crustacé se trouve en état de fragilité extrême et se défend par l’agressivité, mais la banalisation ambiante, tout autant que l’instrumentalisation en règle promue par les politiques de droite et d’extrême droite ne fait en rien progresser le schmilblick.

Le phénomène de bande de ceux que l’on appelait dans mon enfance les « blousons noirs » s’est exacerbé avec les réseaux sociaux. Tout d’abord parce qu’ils sont le support de harcèlement, voire de persécution, de volonté de destruction de victimes impuissantes, de souffre-douleurs désignés, poussant parfois au suicide. Et aussi parce que la plupart du temps, les « exploits » des apprentis bourreaux sont immortalisés sur des vidéos prises sur le vif par des témoins totalement inconscients de la gravité de leur geste qui fait d’eux les complices de ces actes barbares. Ces documents constituent d’ailleurs les preuves de ces infractions. Trop souvent, c’est ce volet répressif qui est mis en avant, voire présenté comme seul moyen de lutter contre ce fléau. Ce ne sont pas les discours catastrophistes des réactionnaires de tout poil, y compris ceux qui se déguisent en progressistes comme Chevènement ou Valls, qui permettront de sortir de cette impasse.