Foutez-lui tranquille !

Comme l’a fait remarquer un ado sommé d’avoir une opinion sur la blessure par arme à feu du célèbre chanteur gitan Kendji Girac, si cette affaire avait concerné un quidam inconnu, on en aurait sûrement moins parlé. Et c’est en effet une évidence. Alors que la moindre anecdote est montée en épingle par la presse spécialisée dans les rumeurs et les potins dès lors qu’elle concerne une célébrité, il était assez inévitable que les torchons à scandale, relayés et nourris par les réseaux sociaux qui jouent un rôle d’amplificateurs dans la circulation des nouvelles, vraies ou fausses, peu importe, en fassent leurs choux gras.

Ce qui commence à devenir problématique, c’est que les chaînes d’information continue s’emparent à ce point de ces « sujets » et tiennent l’antenne des heures durant alors que les informations réelles sont extrêmement ténues et que les « experts » dûment convoqués en sont réduits à ressasser des hypothèses invérifiables et à échafauder des théories plus ou moins baroques pour justifier leur présence. Toute cette agitation, pour inutile qu’elle soit, trouve sa justification dans l’intérêt indéniable du public pour ces histoires croustillantes. « Il suffirait que les gens arrêtent de l’acheter pour que ça ne se vende pas », faisait remarquer Coluche à juste titre. Je suppose que, comme moi, il s’englobait dans la masse des hypocrites lecteurs, nos frères. Je suis plus étonné de la mobilisation de l’appareil policier et judiciaire qui semble vouloir à toute force mettre en doute la version de l’intéressé, qui a déclaré s’être blessé tout seul, accidentellement. Dans cette affaire, s’il y a bien une victime, il n’y a ni plainte ni plaignant, à ma connaissance, et l’on comprend mal cet acharnement à vouloir absolument en faire une affaire criminelle.

Il est de notoriété publique que les gens du voyage, y compris ceux qui se sédentarisent, souhaitent toujours « laver leur linge sale en famille ». Ils préfèrent trancher les litiges et les différends, inévitables dans toute communauté, entre eux, en faisant appel aux personnes d’expérience, en particulier le patriarche, le doyen en âge et en sagesse, dont l’autorité est reconnue par tous. Et c’est peut-être là où le bât blesse. La société n’aime guère que l’on se passe de ses services et qu’on donne l’impression de bafouer son pouvoir. Je ne vois pourtant aucun trouble à l’ordre public en acceptant la version donnée par le chanteur plutôt qu’une hypothétique tentative de meurtre ou de suicide, qui s’éteindrait d’elle-même en l’absence de plainte de la victime. Quand on sait que la justice et son bras armé la police croulent sous les dossiers en souffrance, on se dit qu’il y a probablement des affaires autrement plus importantes et plus urgentes à traiter.