Je t’aime moi non plus

On a beaucoup ironisé sur le voyage d’état d’Emmanuel Macron au Brésil, tant la cordialité avec le président Lula a semblé surjouée de part et d’autre. Pour une fois, c’est le président brésilien qui a semblé le plus empressé à démontrer un enthousiasme un peu excessif, alors qu’il avait affaire à forte partie dans ce domaine avec un président français qui a tenu tête aux broyages de mains les plus extrêmes, et qui en rajoute volontiers une ou plusieurs couches dans les surenchères. À elles seules les séances photo interminables, les embrassades et les compliments auraient justifié le terme de « bromance », contraction de « brother » et de romance, généralement utilisé dans ces circonstances.

Au point que le président Macron a fini par répondre sur le ton de l’humour aux commentaires sur les réseaux sociaux en assumant le symbole du rapprochement entre la France et le Brésil sous la forme de « photos de mariage ». Poussant la métaphore à son terme, Emmanuel Macron déclarait que « la France aime le Brésil et le Brésil aime la France. » Fort bien. Il reste à démontrer que la lune de miel peut durer au-delà des trois jours de la visite officielle, car dans ce domaine-là aussi, ce sont les preuves d’amour qui comptent. Il faut dire que la diplomatie partait de loin après la parenthèse désenchantée de la présidence de Jaïr Bolsonaro. Emmanuel Macron allait d’ailleurs jeter un froid en évoquant le traité du Mercosur, cet accord de libre-échange dont on parle moins que le CETA son équivalent avec le Canada, mais dont le président français a dit en substance qu’il n’était ni fait ni à faire.

Et les sujets de mécontentement mutuel ne manquent pas, si l’on tient compte de l’appartenance du Brésil à une vaste communauté désignée par l’acronyme BRICS, pour désigner le Brésil, la Russie, l’Inde, la Chine et l’Afrique du Sud, auxquels se sont joints l’Égypte, les Émirats arabes unis, l’Éthiopie et l’Iran pour se réunir en sommets annuels. Ces configurations à géométrie variable sont souvent présentées comme « le Sud global » malgré leur caractère hétéroclite. Les intérêts du Brésil sont donc différents de ceux de la France, rattachée à l’Union européenne et à l’OTAN, dans un monde devenu multipolaire. Le président Lula s’est refusé à condamner l’agression russe en Ukraine et à lui imposer des sanctions économiques, tout en prônant un dialogue en vue d’aboutir à une solution négociée et à une paix ménageant surtout les positions russes, en appelant à cesser les livraisons d’armes. Rendez-vous est pris pour le sommet du G20 qui aura lieu à Rio de Janeiro en novembre sous la présidence brésilienne, et qui aura à l’ordre du jour les deux grands conflits en cours, l’Ukraine et Gaza.