Bouts de chandelles et bouts de ficelles

Les mesures budgétaires annoncées par le Premier ministre peinent à convaincre les Français à la fois de leur bien-fondé et de leur efficacité. Un sondage récent n’accordait que 21 % de confiance à François Bayrou pour trouver les milliards manquants pour combler la dette abyssale de l’état, sans augmenter, théoriquement, les impôts, et en répartissant équitablement les efforts à consentir par tous les Français. Des décisions telles que la suppression de deux jours fériés, allant apparemment dans le sens d’une justice sociale, sont parmi les plus rejetées. Alors, pour faire passer la pilule, le gouvernement provisoire a lancé un nouveau ballon d’essai : la lutte contre la « fraude sociale ».

C’est Catherine Vautrin, ministre du Travail, de la Santé, des Solidarités et des Familles, qui présentera un texte de loi en fin d’année, dont le principal objectif semble d’allumer un contre-feu contre les soupçons d’inégalité dans la chasse aux milliards déclenchée par le Premier ministre. Il y aurait des mines de ressources à exploiter du côté des cotisations sociales non déclarées tout aussi bien que d’une utilisation frauduleuse de cartes vitales, qui seraient utilisées par des étrangers, boucs émissaires traditionnels d’une politique de droite. Également dans le viseur gouvernemental, les abus de perception d’allocations de chômage par des non-résidents en France, ou des facturations indues de transports médicaux. Mises bout à bout, ces économies pourraient rapporter jusqu’à 13 milliards d’euros, selon la ministre. Notez que c’est le conditionnel qui est important. Pour débusquer les fraudeurs, il faudra embaucher de nouveaux fonctionnaires, alors que la tendance est inverse.

Mais, admettons que nous supportions plus de contrôles, toujours plus intrusifs, au nom d’une meilleure justice sociale. Il faudra aussi s’attaquer sérieusement aux sources de l’inégalité des revenus et des inégalités fiscales qui en découlent. La ministre y fait d’ailleurs allusion, à raison d’une alouette pour un cheval dans la célèbre recette du pâté d’alouettes. La démarche qui consiste à désigner des fraudeurs à la vindicte populaire a pour objectif de détourner l’attention des véritables problèmes, ceux d’une société profondément inégalitaire, où les plus pauvres, qui sont en constante augmentation, n’ont pas la moindre idée de ce que perçoivent en réalité les véritables riches, ni même ceux qui sont juste au-dessus d’eux dans la pyramide sociale. Alors que les malades chroniques vont payer un forfait double sur les dépenses de Santé, quel que soit leur revenu, un tiers des allocataires potentiels du RSA continue à ne pas demander cette aide sociale. Et parmi les pistes de réflexion du gouvernement, on retrouve le serpent de mer d’une TVA qui n’aurait de social que le nom, pour éviter le sujet brûlant de la taxation du patrimoine.