
Témoins gênants
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- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le mardi 12 août 2025 10:53
- Écrit par Claude Séné

Un nouveau palier a été franchi dans la guerre que mène le gouvernement israélien de coalition dirigé par Benyamin Netanyahou dans la bande de Gaza, qui consiste à vouloir occuper physiquement l’ensemble du territoire, y compris les zones urbanisées qui ne seraient pas encore totalement détruites par les bombardements massifs. Le Premier ministre a exposé son plan d’occupation de Gaza destiné selon lui à démilitariser le territoire en désarmant le Hamas. Pour y parvenir, il va devoir une nouvelle fois déplacer les populations, déjà réduites à peau de chagrin et aggraver l’état de pénurie chronique de nourriture qui condamne les civils à une situation de famine endémique.
Nous ne voyons que peu d’images de ce qui s’apparente clairement à un génocide et est dénoncé comme tel par de nombreux pays, et pour cause. Les journalistes ne sont pas les bienvenus depuis le début de cette guerre. 270 d’entre eux ont déjà été victimes des conflits en cours, et le bilan s’est aggravé récemment avec la mort de 6 reporters de la chaîne du Qatar, Al-Jazeera, en poste à Gaza. Le plus choquant, c’est qu’il ne s’agit pas d’une bavure, ou d’une erreur de l’armée, mais bien d’un assassinat ciblé qui visait explicitement en particulier, une figure très connue dans cette région du monde, le journaliste vedette Anas al-Sharif, qualifié de terroriste pour les besoins de la cause. Le porte-parole francophone de Tsahal, l’armée israélienne, Olivier Rafowicz, a présenté des « preuves » de l’affiliation d’Anas al-Sharif au Hamas, qui n’ont pas convaincu grand monde, pas même lui. Visiblement lassé par les nombreuses questions polémiques des journalistes occidentaux, il a englobé les 6 reporters tués dans un ensemble fourre-tout où ils seraient tous « liés » au Hamas, pour couper court à une situation quand même gênante.
Le procédé n’est pas nouveau. Israël a déjà justifié des bombardements touchant des hôpitaux ou des quartiers résidentiels en les accusant d’abriter des postes de commandement ou des caches d’armes et de munitions de l’ennemi. Là aussi, les autorités israéliennes rejettent la félonie sur l’adversaire, accusé d’enfreindre les lois de la guerre en utilisant des « boucliers humains ». Reporters sans frontières dénonce aussi le double langage de Netanyahou qui feignait de souhaiter une couverture de presse plus importante, et qui a vraisemblablement donné son feu vert à cette opération visant des journalistes parfaitement identifiés comme tels. Les reporters, comme les humanitaires des ONG, ont déjà fort à faire pour survivre dans ce milieu hostile, où il faut sacrifier des heures à la simple recherche d’eau et de nourriture, comme le reste de la population civile qui ne sait plus à quel saint se vouer. En éliminant physiquement ces témoins gênants, qui pouvaient encore décrire la réalité entraînée par les discours belliqueux de leurs dirigeants, les Israéliens espèrent peut-être faire disparaître une situation où ils n’ont pas le beau rôle, mais les faits sont têtus.