Cherche budget, désespérément

Traditionnellement, le vote du budget en France marque l’appartenance à un camp représentatif de l’état de l’opinion dans le pays. Qui vote pour le budget présenté par le gouvernement est réputé faire partie de la majorité, tandis que celui ou celle qui vote contre ou qui s’abstient, est classé, de fait, dans l’opposition. Mais cela, c’était avant qu’un président de la République, fraîchement réélu, décide de ne pas tenir compte de la règle non écrite de la désignation, par ses soins, d’un Premier ministre représentant le groupe ou la coalition la plus nombreuse à l’Assemblée nationale, quitte à devoir composer avec une légitimité différente de la sienne.

Jusqu’à l’arrivée au pouvoir d’Emmanuel Macron, les présidents se sont accommodés d’un tel état de fait en nommant un gouvernement de cohabitation, ménageant les forces en présence dans un « gentlemen’s agreement » qui leur reconnaissait un domaine réservé, moyennant une action gouvernementale où le Premier ministre « définit et conduit la politique de la nation ». Mais l’Assemblée nationale sortie des urnes après la dissolution dont tout le monde s’accorde à reconnaître qu’elle a été une erreur, à l’exception de celui qui l’a décidée, a rebattu les cartes et privé Emmanuel Macron de son ancienne majorité réduite à peau de chagrin, sans dégager une force indiscutable, mais trois groupes plus ou moins homogènes, dont aucun ne peut gouverner seul en l’état. D’où cette valse des Premiers ministres, toujours issus de la droite ou du centre, pris dans des contradictions insolubles, dont le dernier en date cherche un compromis avec le PS pour échapper à la censure. En gage de bonne volonté, il renonce au vote bloqué par l’utilisation du 49.3, et accepte le principe d’une suspension de la loi sur le report de l’âge de la retraite ainsi que des mesures de justice fiscales.

Outre que ce pari sur un accord risque d’achopper sur un calendrier contraint, le principe même en est remis en question au sein de la gauche, divisée, comme souvent, entre deux stratégies contradictoires : une ligne réformiste telle qu’elle est incarnée par la CFDT sur le plan syndical et une ligne plus révolutionnaire, similaire à celle de la CGT. Ici, le PS veut obtenir des concessions, des « victoires » pour les Français les plus modestes, là, les Insoumis, les écologistes et les communistes, qui dénoncent « les petits pas » qui empêchent d’avancer. Le processus est encore très long pour aboutir à un accord éventuel, puisqu’il est nécessaire d’examiner tout d’abord la partie recettes dans les deux instances, Assemblée nationale et Sénat, puis la partie dépenses, visant à obtenir un texte commun aux deux chambres, avant le vote solennel de la loi de Finances ainsi que celle du budget de la Sécurité sociale. Les débats sont âpres et les amendements et sous-amendements, nombreux. Tout ça pour éventuellement constater un désaccord et adopter un budget par ordonnances !