La pluie, ça mouille

Le discours du chef d’état-major des Armées devant les maires de France réunis en congrès à la porte de Versailles à Paris, a suscité de nombreuses réactions, pour la plupart négatives. En effet, le général Fabien Mandon a évoqué l’éventualité d’une menace russe qui s’en prendrait spécifiquement à la France dans une guerre conventionnelle, échappant ainsi à la logique de la dissuasion nucléaire, qui ne s’appliquerait pas nécessairement à une telle situation. On imagine mal, en effet, un pays tel que la France engager un processus d’apocalypse nucléaire sans un motif sérieux, sachant que cette stratégie aboutit nécessairement à la destruction d’une partie de la planète.

Le général Mandon a rappelé cette évidence qu’une guerre ouverte entraînerait le sacrifice de nos soldats, nos enfants, comme il les a appelés, et aurait des conséquences économiques sur nos priorités nationales, supportées par l’ensemble de la population. Faute d’avoir envisagé et accepté une telle situation, nous serions en difficulté devant un adversaire, quel qu’il soit, et en particulier russe, qui fait peu de cas de ses pertes humaines. Sur le fond, le général Mandon ne fait qu’enfoncer des portes ouvertes. De même que la pluie mouille, la guerre fait des morts et des blessés tout en détournant les ressources de la nation de ses missions prioritaires en temps de paix. Ce raisonnement ne présente d’intérêt que si nous nous posions la question d’attaquer militairement la Russie, sans une agression préalable de sa part. Nous n’en sommes visiblement pas là, et nous ne pouvons que souhaiter ne jamais y être contraints.

L’enjeu est visiblement ailleurs. Sur un sujet aussi sensible, il est difficile d’imaginer que le chef d’état-major n’ait pas pris la précaution de soumettre son initiative à l’approbation du chef de l’état, commandant militaire suprême des armées, détenteur du droit d’utiliser l’arme nucléaire en cas de besoin. Et si tel était le cas, le président de la République aurait eu tout loisir de le désavouer et de faire entendre la position officielle de la France. Son silence à ce sujet vaut approbation, si ce n’est une mission en service commandé, répondant à un ou plusieurs objectifs. Les propos alarmistes du général Mandon peuvent être un signal destiné à Vladimir Poutine, pour lui faire savoir que nous serions prêts à une confrontation armée, si nécessaire. Il pourrait aussi s’agir de mobiliser les énergies en alertant l’opinion publique française pour la préparer à accepter des décisions difficiles, en un moment où le Président peine à trouver un budget pour des dépenses civiles sans même parler de dépenses de guerre éventuelles. On ne peut pas exclure, par ailleurs, qu’Emmanuel Macron, au plus bas dans les sondages, se réserve la possibilité de faire jouer un « effet drapeau » pour tenter de sauver les meubles en cas de nouvelle censure, synonyme de dissolution. À vos pépins !