Paradoxes
- Détails
- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le jeudi 13 novembre 2025 11:07
- Écrit par Claude Séné
« L’Assemblée nationale a adopté ! » C’est par cette formule, prononcée par sa présidente comme c’est l’usage, que les députés ont acté la fin provisoire d’un vrai suspense concernant la suspension de la réforme des retraites. C’était une condition posée par les socialistes pour ne pas censurer le gouvernement, et les positions des formations politiques n’ont pas été nécessairement celles qui étaient attendues. Il aura fallu que le vote positif du Rassemblement national se joigne à celui des socialistes et des écologistes, et également l’abstention des élus Renaissance et du Modem, pour rassembler une majorité de circonstances. Pendant ce temps, les Insoumis étaient associés à la droite « classique » pour rejeter le texte, pas assez radical à leur goût.
Un vote loin de refléter l’état de l’opinion publique au moment où la réforme avait été adoptée aux forceps du 49.3 puisque 80 % de la population y était alors opposée. Avec ses 255 votes favorables, il s’en serait fallu de beaucoup pour adopter une motion de censure réclamant 289 suffrages, soit la moitié plus une voix de l’ensemble des députés. C’est pourquoi il peut sembler prématuré de se réjouir comme ce syndicaliste de la CFTC en « off » de l’abandon pur et simple de cette réforme des retraites, en tout cas dans sa forme actuelle. Selon lui, le report de la réforme équivaudrait à son arrêt de mort, puisque ce serait un des thèmes principaux de la campagne présidentielle de 2027, et qu’aucun candidat ne prendrait le risque suicidaire de reprendre la réforme en l’état en dépit du désaveu subi par le pouvoir en place. Ce serait même un marqueur permettant de se distinguer du pouvoir actuel dont il ne fera pas bon se réclamer.
Encore faut-il que le processus législatif de la suspension aille à son terme dans les délais impartis, ce qui est loin d’être acquis. Le texte va être soumis au Sénat, dont la majorité de droite a déjà annoncé qu’il ne voterait pas la suspension. Ce qui amènerait à la constitution d’une commission mixte paritaire composée de 7 députés et 7 sénateurs, dite conclusive si elle aboutit à un accord devant ensuite être ratifié en séance plénière par les deux assemblées. Premier obstacle, donc. Le gouvernement pourrait passer outre en prenant des ordonnances intégrant la suspension. Mais ce serait paradoxal de renoncer au passage en force du 49.3 pour le remplacer par une autre stratégie tout aussi autoritaire et peu démocratique. Pour le moment, le Premier ministre joue le jeu et tient sa parole de laisser le parlement légiférer. Il y joue sa survie, mais le chemin est étroit et l’exercice périlleux. Au premier faux pas, les socialistes peuvent recourir à la censure, s’ils jugent que le compte n’y est pas, avec le soutien probable de la France Insoumise, cette fois.
