Le contrat du siècle

Après « le casse du siècle », comme la presse a surnommé le vol des bijoux de la Couronne au Louvre le 19 octobre dernier, voici donc un autre moment historique, plus flatteur que le premier, qui semble destiné à redorer le blason d’un président français fortement démonétisé ces temps derniers. Il faut reconnaître que l’annonce « en jette ». La commande par l’Ukraine de 100 avions Rafale, véritable fleuron de l’industrie française aéronautique, n’a pas de précédent. Le record à battre, c’étaient les 80 appareils commandés par la Turquie, un pays, qui, par parenthèse, est à la fois membre de l’OTAN, mais candidat malheureux pour l’instant à l’entrée dans l’Union européenne.

Ce succès commercial de l’avion français est très important. Nous sommes passés en quelques années d’une situation où le Rafale était très difficile à vendre, car cher et peu compatible avec les systèmes américains qui imposent leurs armements à la plupart des pays occidentaux, à une quasi-pénurie. Si la commande ferme confirme la déclaration d’intention signée par la France et l’Ukraine, il faudra une dizaine d’années pour fabriquer et livrer ces avions. On peut raisonnablement espérer que la guerre avec la Russie fera l’objet d’un cessez-le-feu avant cette échéance, mais l’Ukraine aura besoin de ces armements pour dissuader Vladimir Poutine, s’il est toujours au pouvoir, de reprendre l’initiative jusqu’à la conquête de tout le territoire. Il reste à définir le financement de cet achat, dans la mesure où la France n’a pas les moyens financiers d’en faire cadeau à l’Ukraine. L’hypothèse d’un don d’appareils plus anciens pour les remplacer par une nouvelle génération d’appareils de combat a été écartée cette fois-ci après avoir cédé des Mirage 2000 dans le passé.

D’autres solutions sont envisagées, notamment l’utilisation des intérêts des avoirs russes gelés en signe de sanctions économiques, cependant que l’Union européenne peut également faire un geste dans le cadre des investissements dans les capacités de défense des pays concernés jusqu’à concurrence de 150 milliards d’euros, inscrits dans le budget de l’UE. Jusqu’à présent, les Occidentaux se sont refusés à utiliser les avoirs russes gelés en capital, au titre de dommages de guerre qui seront réclamés à la Russie quand et si la situation militaire le permet. La Belgique en particulier s’y oppose fermement par crainte d’une perte de légitimité sur les bourses mondiales et de représailles de la Russie. Il convient donc de rester prudent et d’observer l’évolution de la demande ukrainienne. N’oublions pas par exemple la promesse de l’Inde de commander de nouveaux Rafale, après les 36 appareils achetés en 2018. Il serait question de 114 avions de combat pour un montant de 18,9 milliards d’euros qui constitueraient un nouveau record. Il est quand même malheureux que le savoir-faire français se soit concentré dans un commerce mortifère, dans lequel nous occupons la 2e place mondiale, derrière les États-Unis et devant la Russie.