Dissolution

Profitant d’une bonne passe dans les sondages, à moins de deux mois du scrutin des élections européennes du 9 juin prochain, Jordan Bardella, tête de liste du Rassemblement national, a d’ores et déjà annoncé qu’il demanderait, si son score se confirmait, une dissolution de l’Assemblée nationale et la convocation de nouvelles élections législatives. Une éventualité qui n’a aucune chance d’aboutir, sauf séisme politique totalement inattendu, car rien ne contraint le président à avoir recours à cette procédure, pas même le vote éventuel d’une motion de censure par une majorité de circonstances. Dans ce cas précis, la seule obligation serait de changer de gouvernement.

La dernière dissolution, voulue en 1997 par Jacques Chirac pour se doter d’une majorité plus large et plus acquise à sa cause, s’est soldée par une défaite historique et la cohabitation forcée avec le leader de la gauche, Lionel Jospin, jusqu’en 2002. La leçon a été chère payée par la « famille » gaulliste, mais elle n’est pas près d’être oubliée. Peu de chances donc que le président se tire une balle dans le pied, même si certains de ses conseillers imaginent peut-être l’intérêt de purger l’hypothèque Rassemblement national dès 2024 pour revenir en force en 2027 après une cohabitation. Un scénario improbable qui a le mérite d’attirer l’attention sur le risque que représenterait en ce moment un mode d’élection totalement proportionnel. Ces élections européennes se déroulent en effet à la proportionnelle intégrale à un seul tour, contrairement aux autres scrutins, qui amènent les partis à passer des alliances de second tour. C’est pour l’instant la seule digue qui a empêché l’extrême droite d’accéder au pouvoir, mais la menace se précise de scrutin en scrutin. Le total Rassemblement National et Reconquête est en passe de frôler les 40 % d’intentions de vote, ce qui en ferait un pôle incontournable de la vie politique s’il se réalisait dans les autres élections.

Plus préoccupant encore, la proportionnelle intégrale semble avoir « libéré » l’électorat présidentiel le plus tiède, qui a voté Macron par conformisme ou par rapport à une image de modernisme qu’ils ne retrouvent pas dans la tête de liste proposée à leurs suffrages. Avec un seul tour de scrutin, la notion de vote utile perd une partie de sa légitimité. La bonne nouvelle c’est que les programmes devraient revenir au-devant de la scène, la mauvaise étant qu’il est déjà un peu tard pour les candidats qui « n’impriment pas », comme Valérie Hayer, qu’il sera difficile de sauver, même et peut-être surtout, si le président s’implique personnellement dans sa campagne. La logique de ce type d’élection, qui ne passionne pas les foules, c’est l’éparpillement des voix. Chacun semble vouloir se compter, mais l’abondance de l’offre montre que c’est surtout le populisme de droite qui en profite.