L’égout et les couleurs

J’emprunte ce titre à Coluche, qui n’est plus là pour se plaindre, tiré du sketch cultissime sur la publicité, parce qu’il m’est apparu très représentatif de débats moins futiles qu’il n’y parait, liés aux choix discutables du Président de la République en matière de culture, en particulier la culture musicale. Il a notamment suggéré de demander à l’artiste franco-malienne, Aya Nakamura, de reprendre Édith Piaf à l’occasion de la cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques, plongeant dans l’embarras tous ceux, qui, comme moi, dénoncent les attaques racistes que ce choix a immédiatement déclenchées à l’extrême droite tout en étant complètement insensibles au style musical incarné par cette chanteuse.

Si j’en remets une couche, c’est parce qu’Emmanuel Macron a lui-même récidivé en annonçant son intention de décorer personnellement Michel Sardou en lui attribuant le titre de Grand Officier de l’ordre national du mérite lors de la cérémonie prévue en juin prochain. Les féministes s’en sont étranglées. Le chanteur s’est fait connaître pour ses prises de position sexistes tout au long de sa carrière, devenant ainsi le porte-drapeau assumé du machisme ordinaire. Il a dernièrement été la cible d’une polémique déclenchée par sa consœur Juliette Armanet au sujet de son tube planétaire « les lacs du Connemara » qualifié d’immonde, de sectaire et de droite. Si les deux premières critiques sont subjectives, la troisième n’est guère contestable, Michel Sardou ne s’étant jamais caché de ses préférences politiques, certaines chansons lui ont valu une réputation méritée de réactionnaire. Pas grand-chose de commun, donc, entre un vieux chanteur « has been », mâle blanc de largement plus de 50 ans, et une chanteuse noire « branchée », aux textes difficiles à comprendre pour les non-initiés, sinon une popularité actuelle ou passée qui semble suffire au chef de l’état pour adouber ceux qui en sont porteurs.

Cette dimension n’est sans doute pas absente non plus dans ce qu’il faut bien appeler l’affaire Depardieu. Un acteur aussi « bankable », qui attire autant de spectateurs dans les salles obscures, peut bien tenir des propos déshonorants et se permettre des gestes pour le moins déplacés, il aura toujours l’indulgence du président, qui ne tient lui-même son pouvoir que de l’onction du suffrage universel et d’un concours de circonstances imprévisibles. À ce compte-là, qu’importent les positions politiques sur les grands sujets qui intéressent les simples citoyens, vivent les démagogues qui attrapent les mouches avec du miel en dissimulant soigneusement le vinaigre à venir si on leur faisait confiance. Et c’est bien ce que l’on observe avec le délitement d’une majorité disparue et la montée pernicieuse du Rassemblement national que le pouvoir feint de combattre alors qu’il en a besoin comme épouvantail pour tenter de se maintenir.