Pour le moment ça va

On l’a un peu oublié. En tous cas en ce qui me concerne, cette scène mythique du film « la haine » datant de 1995 dans laquelle le protagoniste raconte : « c’est l’histoire d’un homme qui tombe de 50 étages (…) il se répète pour se rassurer, jusqu’ici tout va bien … » C’est un peu la métaphore de l’attitude du Premier ministre Israélien, Benyamin Netanyahou, qui s’accroche au pouvoir malgré les critiques de plus en plus vives provenant aussi bien de l’étranger que de sa propre opinion publique. Sa chute apparait donc comme inéluctable, sauf pour lui, qui se maintient artificiellement et contre toute logique.

Cette situation me fait penser à certaines scènes de « cartoons » américains dans lesquels le personnage court dans le vide sans tomber, jusqu’à ce qu’il prenne conscience de sa situation, provoquant immédiatement sa chute. Tant qu’il refuse de voir la réalité, il tient bon. À ceux qui lui demandent d’organiser des élections sans délai pour désigner un gouvernement légitime capable de négocier, notamment la libération des otages encore détenus par le Hamas, il oppose la nécessité de régler ces problèmes au préalable. Autant dire qu’il a tout intérêt à ce que la guerre continue. Tant que la guerre durera et l’on constate tous les jours que les obstacles à la paix sont légion, il pourra continuer à exercer le pouvoir. Au fond, depuis la création de l’état d’Israël, l’état de guerre avec les pays arabes a été la règle, et l’état de paix armée l’exception, en attendant de reprendre les hostilités. Cet état de guerre interminable ne pourra cesser que lorsque les Israéliens se décideront à écarter leurs dirigeants les plus belliqueux au profit de leaders prêts à négocier une coexistence pacifique.

À cet égard, le dernier « incident » en date, une frappe israélienne qui a causé la mort de sept travailleurs humanitaires de l’ONG World central kitchen dans la bande de Gaza, montre les profonds clivages dans la société israélienne. Là où le président Herzog fait part de sa tristesse et présente ses excuses sincères, tandis que l’armée reconnait une grave erreur et annonce une enquête indépendante, le Premier ministre évoque une frappe non-intentionnelle et tragique, une façon de se dédouaner de ses responsabilités, qui sont par ailleurs immenses dans le déroulement des opérations militaires. Si le but affiché de cette campagne était la « destruction du Hamas », le résultat sur le terrain est une destruction du territoire de Gaza, en particulier de toutes ses infrastructures médicales et hospitalières. Des dizaines de milliers de victimes pour la plupart civiles, soit directement au cours des combats ou de la destruction des maisons et des immeubles, soit indirectement des suites du chaos dans l’acheminement de l’aide humanitaire auprès des populations déportées et chassées de leur propre pays. Non, Monsieur Netanyahou, ça ne va pas.