Postures et impostures

Sommes-nous à la veille d’un conflit généralisé au Moyen-Orient, après des mois et des années d’escarmouches plus ou moins meurtrières qui se répondent depuis tellement longtemps qu’il devient impossible d’en démêler les tenants et les aboutissants, de définir qui aurait commencé et porterait donc la responsabilité des affrontements ? On a coutume dans les analyses historiques de distinguer les causes immédiates et les causes profondes des conflits, mais on ne le fait généralement qu’après coup. Dans le feu de l’action, les dirigeants doivent prendre des décisions qui peuvent se révéler bénéfiques ou catastrophiques. Au moment où je rédige cette chronique, l’Iran a accompli un raid massif, faisant peu de victimes heureusement, mais qui a frappé symboliquement son ennemi juré, Israël, directement sur son territoire.

Nul ne sait, à part peut-être Netanyahou, quelle sera la riposte israélienne. Chacun des protagonistes se doit de montrer les muscles, à l’usage de sa propre population, tout en évitant de rentrer dans un engrenage qui aboutirait à une escalade de la violence dont on ne saurait plus se sortir. Le régime iranien a pris grand soin de justifier son action contre Israël en invoquant un article de la charte de l’ONU qui permet à un état de riposter contre une agression d’un autre état, condition qu’ils jugent remplie après la frappe de leur ambassade en Syrie. Quant aux Israéliens, ils demandent des sanctions contre l’Iran, ce qui serait cocasse si ce n’était tragique, alors qu’ils ont toujours refusé de mettre en œuvre toutes les résolutions de l’ONU depuis le début de leur histoire et la création de leur état. On assiste à une partie de poker menteur dans laquelle personne ne semble jouer franc jeu, mais dont l’issue peut être dramatique.

Dans ce contexte, la France a fait preuve d’une modestie inattendue de la part d’un exécutif habituellement prompt à se glorifier, en reconnaissant du bout des lèvres avoir contribué à repousser l’attaque des drones et des missiles iraniens, « à la demande » de notre allié jordanien, pour empêcher le survol de leur territoire. Comme si Emmanuel Macron ne tenait pas à faire remarquer que nous avons des forces en « opérations extérieures » dans la région, pour ne pas renforcer le risque de représailles terroristes pendant les Jeux olympiques notamment. Le président français appelle Israël à ne pas surenchérir dans la riposte, tout en sachant pertinemment que seul leur allié américain aurait le pouvoir de le retenir si telle était sa volonté, et qu’il ne le fera que verbalement, en année électorale. Le danger reste donc maximal, même si le journal « les échos » peut titrer sur un surprenant « plus de peur que de mal » en annonçant une baisse des cours du pétrole et une légère hausse des valeurs du CAC 40, ce qui permet de comprendre les enjeux économiques qui priment sur toute autre considération.