Déconcertation

Ne vous précipitez pas sur votre dictionnaire personnel, à supposer que vous continuiez à vous servir de cet outil légèrement tombé en désuétude depuis que la jeune génération redécouvre le monde tous les matins en adoptant des expressions représentatives de son ressenti, assez souvent issues de la culture anglo-saxonne. Vous ne trouverez pas non plus sur Internet ce mot sous sa forme substantive, puisque je viens de l’inventer, et que l’ami Google n’a pas eu le temps de le répertorier. En revanche, on vous proposera volontiers le verbe déconcerter, ou l’adjectif déconcertant. En ce qui me concerne, j’ai choisi ce terme pour décrire la démarche actuelle adoptée par le Président de la République et son Premier ministre.

Autant, dans un passé récent, il était de bon ton de se gargariser d’une démarche démocratique dans la prise de décision en pratiquant la concertation, notamment en mettant en avant les « partenaires sociaux » même lorsqu’ils étaient pieds et poings liés dans une négociation contrainte, autant il est désormais d’usage d’imposer les vues du pouvoir en place sans s’embarrasser de consultations de quelque nature que ce soit. L’origine de ce changement de cap semble être la perte de la majorité absolue dont disposait auparavant le pouvoir. On a vu pleuvoir les passages en force au Parlement, à grand renfort de 49,3, et l’on peut parier sans grand risque qu’ils tomberont à nouveau dru comme à Gravelotte quand on reprendra les affaires sérieuses, liées aux budgets et aux gouffres financiers découverts récemment par le ministre pourtant en place depuis 7 ans.

Pour illustrer mon propos, je ne prendrai qu’un seul exemple, mais qui me paraît emblématique de cette dérive. Tout le monde est témoin des graves difficultés de recrutement des enseignants nécessaires au bon fonctionnement de l’école dans notre pays, et chacun sait que le problème principal tient au manque d’attractivité de la profession du fait de sa non-reconnaissance, qui passe, entre autres, par une rémunération décente. Sans la moindre concertation, Emmanuel Macron a annoncé sa décision, applicable dès la prochaine rentrée scolaire, de remettre au goût du jour les anciennes écoles normales en recrutant les futurs professeurs des écoles au niveau bac +3 et en leur prodiguant une formation professionnelle rémunérée de 2 ans assortie d’un engagement d’exercice selon les besoins de la nation. Ce qui est choquant, c’est naturellement la méthode plus que le contenu de la réforme décidée tout là-haut, dans la solitude qui sied aux puissants de ce monde, ceux « qui savent ». L’éducation ne saurait être confiée à un simple ministre lambda comme Nicole Belloubet, dont les velléités d’indépendance ont rapidement été mises sous l’éteignoir au profit d’un Premier ministre arc-bouté sur son dada de groupes de niveaux, lui-même débordé par un Président qui fait de tous les domaines son domaine réservé. Déconcertant, non ?

Commentaires  

#1 jacotte86 08-04-2024 18:43
plus que ça! c'est inadmissible, c'est se foutre de la démocratie...c'est intolérable...les mots me manquent tellement je suis indignée de cette désinvolture jupitérienne!!!
Citer