Mouiller le maillot

Les amateurs de football connaissent bien la formule. Si l’on ne peut pas exiger de l’équipe que l’on soutient de remporter tous ses matches, ni même de produire du beau jeu, faute d’un effectif aussi talentueux que celui des clubs les plus fortunés, du moins est-on en droit d’attendre des joueurs qu’ils se dépensent sans compter, notamment pour justifier certains salaires très conséquents. François Ruffin, qui s’est fait connaître par le film documentaire « Merci patron », et devenu député d’Amiens, a pris cette expression au pied de la lettre en arborant le maillot d’une équipe locale à l’Assemblée nationale.

Son objectif était de défendre une proposition de loi présentée par l’UDI visant à taxer les gros transferts pour financer le sport amateur. S’il a revêtu le maillot de l’Olympique eaucourtois, c’était pour illustrer son propos et frapper les imaginations en évoquant ces bénévoles qui lavent, plient et repassent ces maillots en faisant vivre leur passion malgré un financement difficile. Non seulement la proposition de loi a été rejetée par l’Assemblée, où le parti d’Emmanuel Macron fait la pluie et le beau temps, mais le président ex-écologiste, ex de gauche, François de Rugy, lui a infligé une pénalité pour provocation, une sanction financière équivalente à 25 % de l’indemnité mensuelle en qualité de parlementaire, soit 1378 euros. Une amende que va devoir supporter en pratique le Parti communiste puisque François Ruffin a décidé au moment de sa prise de fonctions de ne garder que l’équivalent du SMIC, car il dispose d’autres revenus, et de reverser le reste au PCF dont il n’est pourtant pas membre, au titre du financement public des partis politiques. On ne peut pas ne pas y voir une mesure arbitraire dans la mesure où il n’existe aucune loi ni aucun règlement qui impose une tenue spécifique pour siéger à l’Assemblée nationale. Les députés de la France insoumise avaient déjà soulevé ce lièvre en évitant ostensiblement le port de la cravate à l’ouverture de la session parlementaire, entraînant alors des critiques des traditionalistes, qui s’en sont de nouveau donnés à cœur joie.

Sur le fond, la taxe sur les gros transferts, on a assisté à un nouveau bal des faux culs. Tous les groupes ont manifesté de la sympathie pour le projet, mais les plus influents se sont bien gardés de le voter, en prétextant qu’il fallait dépasser le seul cadre national pour demander une législation européenne, dont chacun sait qu’elle n’aboutira pas avant des lustres, et encore. Le plus hypocrite de tous les arguments consiste à mettre en avant un handicap de compétitivité pour les clubs français vis-à-vis des étrangers. Quand le PSG peut dépenser 222 millions d’euros pour se payer Neymar, il n’en est plus à 5 % près.