C’est assez, une fois

Merci, merci, deux fois merci à nos cousins wallons dont le parlement, dernier petit village irréductible contre la mondialisation galopante qui a gagné l’Europe ces dernières années, fait obstacle au traité transatlantique de libre-échange entre l’Union européenne et le Canada, connu sous le nom de CETA, un acronyme anglais que nous reprochent nos autres cousins, québécois cette fois, qui préfèrent l’appeler AECG en bon français technocratique. De quelque manière qu’on le nomme, le futur traité qui doit être signé le 27 octobre signifie clairement une libéralisation accrue dans presque tous les domaines et des risques de mainmise supplémentaire des multinationales sur nos économies.

Ce projet d’accord est d’abord un déni de démocratie. Il est négocié dans le plus grand secret depuis 7 ans à l’instar de son cousin plus connu le TAFTA, sans que les opinions publiques n’aient jamais été consultées ni même sérieusement informées de son contenu, qui risque pourtant d’avoir de graves conséquences sur notre vie au quotidien et l’évolution de nos économies. Le traité doit être adopté par le parlement européen et par les parlements des 28 pays de l’Union. Or, le parlement belge doit recueillir l’adhésion de ses composantes flamandes et wallonnes, que cette dernière se refuse à accorder en l’état actuel du traité, ce qui donne un sursis aux états membres et devrait les inciter à revoir les points qui posent problème.

Certains observateurs craignent à juste titre que les multinationales américaines utilisent leurs filiales canadiennes pour envahir le marché européen même sans la signature du TAFTA, actuellement au point mort. Elles pourraient alors bénéficier de la disposition la plus redoutable qui prévoit qu’une entreprise qui s’estimerait lésée sur un manque à gagner dû à une loi nationale pourrait saisir un tribunal commercial et obtenir le remboursement des sommes ainsi perdues. Ce qui signifierait une perte de souveraineté sur les législations environnementales et sociales beaucoup plus contraignantes chez nous. Des pans entiers de nos économies, notamment l’agriculture, risquent de ne pas y survivre, faute de protections suffisantes, accordées aux Canadiens sans contrepartie. Ce serait une aggravation du libéralisme outrancier qui sévit déjà largement en Europe avec les conséquences que l’on sait. Cette dérive ne cesse d’augmenter, au détriment du petit peuple que les élites se gardent bien de consulter, échaudées par le référendum de 2005. La position du gouvernement français est incompréhensible puisqu’il s’oppose au TAFTA, dont il veut stopper la négociation, et approuve le CETA qui reprend grosso modo les mêmes dispositions. Cerise sur le gâteau, le traité pourrait s’appliquer par anticipation dès l’adoption par le parlement européen sans attendre les ratifications des parlements nationaux. Notre salut repose entre les mains des Wallons : tenez bon, les gars !