Des frontières sûres et reconnues

Alors que le conflit au Proche-Orient est en passe de devenir de plus en plus régionalisé et menace de s’étendre géographiquement et de se radicaliser davantage chaque jour, il ne me semble pas inutile de rappeler que les protagonistes réclament au fond la même chose pour ce qui les concerne, sans pour autant être prêts à accorder la réciprocité à leurs adversaires. Ce droit, légitime, à vivre en paix sur un territoire ne souffrant pas de contestation de la part de ses voisins immédiats ou plus lointains, sert de justification à l’État d’Israël pour mener des actions dites préventives selon des modalités diverses.

Cela s’applique dans les régions frontalières avec la création de zones tampon, par exemple au sud du Liban pour repousser le Hezbollah au-delà d’une ligne permettant d’atteindre le territoire israélien. Cette logique a amené Israël à mener des guerres dites préventives contre les états arabes à plusieurs reprises, et l’implantation continue de nouvelles colonies force l’état à en assurer la sécurité. La suite de cette politique mène inexorablement à des annexions plus ou moins durables de nouveaux territoires, rendant de plus en plus difficile une solution négociée dans laquelle les Palestiniens se verraient enfin dotés d’un état souverain, bénéficiant, lui aussi, de frontières sûres et reconnues. En contrepartie, ils devraient renoncer à leur doctrine de disparition de l’État d’Israël et accepter une coexistence garantie par la communauté internationale, enfin revenue au premier plan.

Depuis un an, et l’attaque du 7 octobre 2023, une forme de guerre s’est généralisée avec les assassinats ciblés de dirigeants arabes hostiles à l’État d’Israël. Petit à petit, les leaders, qui auraient pu être des interlocuteurs dans d’éventuelles négociations, ont disparu, et leur statut de martyrs a fait reculer les chances d’une paix, en alimentant les griefs des populations les plus exposées à la guerre et à ses conséquences. Profitant d’une supériorité militaire qui n’a jamais été aussi forte, le Premier ministre israélien semble avoir choisi de pousser son avantage le plus loin possible, dans tous les secteurs. C’est son intérêt personnel. Tant qu’il continue la guerre et qu’il obtient des succès, il prolonge son statut d’immunité. « Pour le moment, ça va », semble-t-il se dire, en voulant ignorer la catastrophe personnelle et collective qui l’attend au bout de la chute, inéluctable. Benyamin Netanyahou ne veut compter que sur la force intrinsèque de son armée et la peur qu’elle peut susciter chez ses adversaires pour garantir l’existence et la pérennité de l’état. Il se condamne lui-même, ainsi que son peuple, à un état prolongé de ni guerre ni paix, jusqu’au moment où il sera peut-être contraint de se mettre à la merci d’une lubie d’un président américain tel que Donald Trump, capable de tout, sur un coup de tête.