Tabous
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- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le dimanche 10 novembre 2024 10:11
- Écrit par l'invitée du dimanche
Ce concept, dérivé du polynésien tabou qui veut dire sacré, fait référence aux interdictions d’accéder à certains lieux, objets, ou personnes, investi momentanément ou non d’une puissance jugée dangereuse. C’est aussi devenu un sujet malséant à évoquer en vertu des convenances sociales ou morales. C’est une interdiction de toucher, de parler, et même de le nommer, frappant une personne ou un groupe, qui protège la communauté du danger ou de l’impureté en établissant une séparation rigoureuse, allant jusqu’à l’exclusion.
Le tabou est un séparateur absolu, mais aussi garant de l’ordre social, de l’identité collective, de sa culture, de ses valeurs. Il évolue d’une culture à l’autre, et s’étend aux sociétés modernes, il concerne aussi bien la sexualité, la religion, la politique, la nourriture, la maladie, la mort, l’argent… l’interdiction est parfois très explicite, énoncée dans les codes religieux, moraux ou légaux.
Il suscite des émotions fortes telles que la peur, la honte, la culpabilité, pour ceux qui transgressent ou sont confrontés aux transgressions. La peur des sanctions sociales incite les individus à se conformer aux règlements décrits de la société, renforçant ainsi un sentiment de cohésion, en même temps qu’un maintien de l’ordre social stable et sécuritaire.
La difficulté est de trouver un juste équilibre entre respect des normes sociales et protection des droits de liberté individuelle.
Beaucoup de tabous ont été levés, notamment en ce qui concerne la sexualité, on admet l’homosexualité, le mariage pour tous, la procréation assistée… mais il en reste un, difficile à lever, c’est le tabou de la mort.
La mort c’est l’échec de la vie, elle fait peur, elle est souvent entourée de superstitions, elle nous renvoie notre propre fin, on ne veut plus la voir en face, on l’éloigne (80 % des décès sont à l’hôpital ou en EHPAD)
Elle habite nos jours, nos fictions, elle envahit les infos, mort collective ou individuelle, dans une version quotidienne effarante avec un impact psychologique réduit, car anonyme et virtuel, et dans une version réaliste d’une expérience personnelle avec un impact psychologique plus important.
On l’entoure de rituels, on met en place des accompagnements de fin de vie, des soins palliatifs, inscrit dans la politique de santé publique. On encourage les initiatives individuelles d’écrire ses dernières volontés, d’affirmer des choix personnels en tant qu’acteur demandant la légitimation de l’aide à mourir.
Ce n’est qu’un écran de fumée, le mot amène toujours un malaise, même le législateur préfère parler de l’euthanasie, de suicide assisté, de respect de la dignité…
La vaste gamme des formules métaphoriques confirme la force du tabou, on essaie d’atténuer l’effet des concepts pour parler de la mort humaine, il suffit de lire les épitaphes sur les tombes pour s’en convaincre. On parle de repos en paix, éternel, d’un voyage, du départ, de la perte, autant d’expressions cachant difficilement un déni de la mort.
À Rennes, ou dans l’île de Groix ont été créés « les cafés mortels » à l’initiative d’un petit collectif (on en compte actuellement 40), pour échanger autour de la mort sous tous ses aspects.
Ainsi la mort a retrouvé droit de cité individuelle, c’est notre destin à tous, la nommer, accepter sa réalité, c’est nous conforter dans la nécessité de profiter du temps avant qu’il ne soit retiré, c’était le but de ce billet qui se veut tout sauf morbide !
L’invitée du dimanche