Le budget des Danaïdes

Selon la mythologie grecque, les 50 filles du roi Danaos avaient été condamnées à remplir éternellement aux Enfers un tonneau dont le fond était percé. L’expression en est restée pour désigner une tâche impossible ou sans fin. Le Premier ministre, François Bayrou, lui, sait pertinemment qu’il n’a pas l’éternité devant lui, et il a choisi de prendre les devants pour tenter d’enfoncer le clou de la préparation du budget 2026, alors que 2025 aura déjà bien du mal à se boucler sans déficit supplémentaire. C’est donc au cœur de l’été qu’il a « invité » les partenaires sociaux à se concerter sur certains points, notamment l’assurance chômage dont la dernière réforme ne remonte qu’à 6 mois.

Il a également relancé la mesure polémique concernant la suppression de deux jours fériés, en proposant aux syndicats et au patronat le choix des dates au lundi de Pâques et au 8 mai. Les dates peuvent être négociées, du moment que le rendement est garanti. Autant dire que c’est une manœuvre destinée à détourner l’attention de l’essentiel, qui est de faire payer aux salariés, et à eux seuls, le gain attendu de 4,2 milliards d’euros, qui seront versés au budget de l’état par l’intermédiaire d’une contribution des entreprises. Ce que François Bayrou ne dit pas, et que le président du syndicat des cadres CFE-CGC, François Hommeril, a dévoilé hier sans être pour l’instant démenti, c’est que 2 jours fériés « rapportent » 1 % de la masse salariale, soit 8 milliards d’euros, dont les entreprises ne reverseraient que la moitié à l’état. Pendant que l’on discuterait du choix des dates, on laisserait en place le principe d’un allongement du temps de travail annuel, façon déguisée de rogner encore sur la mise en place des 35 heures, et alors que la perspective d’un hypothétique « plein emploi » fixé arbitrairement à 5 % de taux d’un chômage de moins en moins indemnisé s’éloigne régulièrement.

Le précédent de la suppression du lundi de Pentecôte comme jour férié sous le gouvernement Raffarin en 2004 pour financer la solidarité avec les personnes âgées n’incite guère à l’optimisme. Le lobby du tourisme a obtenu des aménagements qui ont vidé la mesure de son sens originel. La journée de solidarité, est désormais à géométrie variable, 70 % des Français ne travaillent pas ce jour-là, qui a été rétabli en 2008 comme férié. La recette qui continue à être perçue est très loin de suffire aux besoins du vieillissement de la population. François Hommeril va même plus loin en doutant que le patronat joue le jeu de la future taxe et se rattrape sur des non-augmentations de salaire. Quant au budget de l’état, faut-il rappeler qu’il est global et qu’aucune recette ne peut être affectée à une dépense particulière ? Souvenons-nous de la défunte vignette automobile dont les vieux n’ont jamais vu la couleur de l’argent.