Action de grâce

Faut-il y voir une intention malveillante ou une coïncidence révélatrice de l’état d’esprit de Donald Trump ? Toujours est-il que le plan « de paix » du président des États-Unis, révélé ces jours derniers et qui ressemble furieusement à un ultimatum écrit sous la dictée de Vladimir Poutine, est supposé être examiné et adopté par le président Zelensky dans les plus brefs délais, et en tout état de cause avant « Thanksgiving », cette fête traditionnelle qui célèbre la reconnaissance des pionniers américains envers leur « Créateur » divin, moyennant quelques massacres des populations autochtones, qui leur avaient portant appris à survivre dans leur nature hostile.

Comme on le sait, le repas traditionnel de la cérémonie qui se déroule chaque quatrième jeudi de novembre se compose principalement d’une dinde, que le chef de famille est chargé de découper selon les règles. En ce qui concerne l’Ukraine, le plan de Donald Trump, guidé par l’autocrate russe, consiste en un dépeçage en règle du territoire national, reconnaissant officiellement l’annexion de la Crimée et des oblasts de l’Est par l’ogre russe, tout en invitant les USA au festin sous la forme de profits engendrés par la reconstruction des villes dévastées par les missiles ennemis, aux frais des perdants, naturellement. S’il y a bien une population qui ne dit pas merci le jour du Thanksgiving, ce sont les 46 millions de dindes sacrifiées sur les tables américaines, et qui ne se consoleront pas de savoir qu’il y en aura deux parmi ses congénères, qui seront offertes au président américain, qui leur accordera sa grâce, bien éphémère, car leur destin sera quand même de finir en saucisses après une courte existence trop gavée.

En supposant que l’Ukraine accepte les conditions du diktat russe, qui prévoient un affaiblissement considérable du pouvoir et de l’armée ukrainienne, elle ne serait qu’en sursis. Le Kremlin se paie le luxe de feindre n’être pour rien dans le plan de Trump, qu’il n’aurait pas reçu officiellement, et sur lequel il pourrait renchérir tout à loisir, pour finalement signer un accord dont il se moquerait en réalité. Vladimir Poutine nous a habitués à ces chiffons de papier qui lui servent à reconstituer ses forces pour mieux attaquer de nouveau, comme en Crimée par exemple. On peut compter sur l’autocrate russe pour tirer le maximum d’avantages de la situation militaire sur le terrain, qui est plutôt à son avantage, et profiter de la faiblesse inexplicable de Donald Trump, qui ne vise que les profits pour lui-même ou pour son pays, au détriment de toutes autres considérations. Les derniers soutiens réels de l’Ukraine, qui insistent sur la nécessité d’imposer sa présence aux négociations, sont les Européens, mais Poutine, paraphrasant son lointain modèle Joseph Staline, pourrait bien poser la question qui fâche : « l’Union européenne, combien de divisions ? »