
L’affaire Jean Deshays
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- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le dimanche 10 août 2025 10:28
- Écrit par L'invitée du dimanche

Le 7 mai 1948, dans le village des Raillères à la Plaine-sur-mer, un fermier modeste, Louis Emery, et sa femme, sont sauvagement agressés par deux malfrats cambrioleurs. Bousculés, roués de coups, Louis Emery décédera peu de temps après le départ de ses agresseurs emportant leur butin, sa femme restera handicapée physique jusqu’à la fin de ses jours.
Les gendarmeries de Pornic et de Paimbœuf contrôlent plus de 100 alibis, et interrogent des suspects, sans succès.
Le 27 mai, un évadé de la prison de Nantes, Francis Chauvin, rattrapé à Cheix-en-Retz, balance le nom de son compagnon d’évasion Marcel Guégan, qu’il accuse d’être l’auteur du crime de la Plaine-sur-mer, et celui de Jean Deshays, docker nantais qui les a accueillis dans leur évasion…
Il faut un coupable, les enquêteurs retiennent Jean Deshays comme suspect numéro un, car il s’avère que Marcel Guégan a un alibi incontournable, il se retrouve donc seul face à la cour d’assises pour répondre aux accusations de meurtre.
Jean Deshays est décrit comme un voyou, un ivrogne fréquentant les repris de justice, en réalité il n’est pas le débile mental que la Cour présente, c’est un homme simple, qui ne se plaint jamais, qui reçoit tous les coups sans protester et qui a peur de tout !
Malmené par les gendarmes, il avoue être coupable.
Le 9 décembre 1949, il est condamné à 20 ans de travaux forcés, et incarcéré.
En février 1952, deux prostituées discutent dans un bar de Pigalle, l’une d’elles, Georgette Petit, se plaint d’être obligée d’envoyer de l’argent à son homme purgeant une peine de prison.
Remarque de sa copine : « quand ton homme est en prison, tu lui envoies des paquets et du fric c’est la règle, et quand il s’est fait les petits vieux à la Plaine-sur-mer, t’as bien profité du butin non ! ».
La malchance pour Georgette, et la chance exceptionnelle pour Deshays, c’est qu’un indic accoudé au bar surprend la conversation, et la transmet à l’inspecteur avec qui il travaille. Ce dernier décide alors de rouvrir l’affaire, « l’homme » de Georgette est identifié, il s’agit de Dutoy qui donne le nom de son complice, Pruvost.
Les deux hommes ne tarderont pas à avouer leur crime, ils passeront en cour d’assises le 13 mars 1954, Dutoy est condamné à 20 ans de travaux forcés, Pruvost, à 15, et Georgette Petit à 3 ans de prison.
Quatre mois plus tard, la Cour de cassation juge inconciliable la condamnation de Deshays avec celle du trio et le 28 janvier 1955 s’ouvre le procès en révision du bagnard innocent qui a fait 46 mois de prison dont 28 au bagne, il est reconnu juridiquement victime d’une erreur judiciaire et réhabilité dans ses droits, et bénéficiera d’une réparation.
Cette dernière tient compte des pertes de salaire, du préjudice physique après les travaux forcés, du préjudice moral, humiliation, pression, il obtiendra 5 millions de francs.
Son avocat déclarera : « les blessures de l’âme ne s’apprécient pas en argent, qui accepterait de subir ce que Monsieur Deshays a subi pour 5 millions ? »
Cette histoire est peut-être le contre-exemple d’une justice qui dans d’autres affaires cherche longtemps la vérité des faits avant de la juger en cour d’assises, et qui ne doit sa fin heureuse qu’à un hasard providentiel !
L’invitée du dimanche