À contretemps

Il y a probablement eu un moment où les représentants du pouvoir auraient été bien accueillis en se rendant sur les lieux de la catastrophe climatique qui a touché la région de Valence, mais ce moment a visiblement été dépassé et désormais le pouvoir central et même local n’est plus le bienvenu. C’est ce qui est arrivé au roi Felipe VI quand il est allé, en compagnie de son épouse Letizia ainsi que le Premier ministre Pedro Sanchez, à la rencontre des sinistrés et de ceux qui tentent laborieusement d’aider à dégager les décombres et retrouver les victimes.

Nous avons dû être nombreux à peiner de croire que c’était bel et bien la première fois qu’ils se rendaient sur le terrain. Ils sont arrivés au pire moment, celui où l’on commence à faire les comptes, et ils ont dû affronter la colère des survivants, qui ont dépassé le stade du chagrin et du deuil pour laisser libre cours au ressentiment et au terrible constat de l’impéritie des pouvoirs publics. Il faut cependant rendre hommage au courage physique du couple royal, confronté aux cris hostiles et même à des jets de boue représentatifs de l’exaspération de la foule, alors que le service d’ordre était dépassé par les évènements. Letizia d’Espagne ne pouvait pas retenir ses larmes, et Felipe VI tâchait de réconforter les personnes autour de lui. De son côté, Pedro Sanchez était en grande difficulté et allait devoir se retirer assez rapidement pour ne pas exciter davantage la foule. Des cris d’« assassins » fusaient et l’intégrité physique des personnalités ne pouvait plus être garantie. Il fallait donc exfiltrer les dirigeants et leur escorte, sous peine de créer les conditions d’une véritable émeute.

La foule, habituellement plutôt favorable à la couronne, était devenue hostile, tout en distinguant la famille royale, qui ne règne pas, des dirigeants politiques, rendus responsables à juste titre des retards dans l’organisation des secours. Ils réclamaient l’armée, qui a tardé à être mobilisée pour rétablir la circulation et dégager les obstacles ou vider l’eau des parkings souterrains. L’aide internationale, proposée par la France notamment, a été limitée, semble-t-il, pour des calculs politiciens du pouvoir régional tenu par le Parti populaire alors que le gouvernement national est dirigé par le parti socialiste. Comme souvent en pareilles circonstances, cette situation exceptionnelle sert de révélateur, et le bilan espagnol est loin d’être satisfaisant. Si des milliers de volontaires se sont proposé pour aider un retour à la normale encore lointain, les pouvoirs publics n’ont pas fait preuve d’une grande efficacité, à la hauteur du grand pays européen qu’est l’Espagne. La météo n’est malheureusement pas favorable, et de nouvelles alertes ont déjà été lancées.