Un bon croquis

Selon Napoléon Bonaparte, il vaudrait mieux qu’un long discours. Je serais tenté d’adopter cette citation et vous renvoyer au dessin de Chaunu après la déclaration de politique générale prononcée par le Premier ministre devant la représentation nationale, caricature dans laquelle on voit Michel Barnier pousser la chansonnette en parodiant Mylène Farmer avec une génération « désargentée ». Car c’est bien l’essence même de la situation que le chef du gouvernement provisoire prétend avoir « découvert » tout récemment à sa grande surprise. À sa décharge, l’équipe précédente, Emmanuel Macron en tête, semblait s’accommoder des dettes abyssales de la France sans que cela trouble son sommeil, et par contrecoup le nôtre.

Mais voilà que le roi est nu, et qu’il devient urgentissime de le couvrir d’un cache-sexe pour tenter de masquer le scandale. Afin de ne fâcher personne, le Premier ministre est resté dans le vague sur la plupart des mesures qu’il envisage pour rétablir les comptes de l’état. Tout juste comprend-on qu’il va tailler dans les budgets des services publics, déjà exsangues pour certains, en réduisant les dépenses et en invoquant une efficacité toujours espérée et jamais réalisée. L’épreuve de vérité consistera dans l’adoption du budget quand il faudra faire les arbitrages et chercher une majorité introuvable pour le voter. En attendant, le Premier ministre a lancé quelques os à ronger pour calmer les opposants, soucieux de préserver leurs « lignes rouges » selon l’expression en passe d’être consacrée, bien qu’elle ne veuille pas dire grand-chose. C’est ainsi que la hausse du SMIC serait avancée de deux mois, que les « plus fortunés » seraient invités à mettre exceptionnellement la main au porte-monnaie pour boucler les fins de mois nationales, et que les superprofits des entreprises seraient davantage taxées.

Si les mesures concrètes sont finalement peu nombreuses, le Premier ministre a évoqué l’ensemble des sujets sans vraiment les traiter, en ratissant très large dans l’espoir d’accréditer une longévité qu’il sait extrêmement fragile. Il n’a pas voulu solliciter la confiance des députés, sachant par avance qu’il ne l’obtiendrait pas. Comme prévu, le Rassemblement national va sauver la tête de Michel Barnier pour cette fois, tout occupé qu’il est à défendre celle de sa future candidate, Marine Le Pen, en grand danger de condamnation à une peine d’inéligibilité pour l’affaire des assistants parlementaires européens. Pour combien de temps ? C’est la question à 100 000 dollars et les boules de cristal restent muettes pour le moment. Le plus probable serait que l’Assemblée finisse par censurer le gouvernement Barnier, soit sur le budget, soit sur une loi spécifique, soit encore pour l’ensemble de son œuvre. Il devrait alors présenter sa démission personnelle et celle de son gouvernement. Le président de la République ne peut pas dissoudre avant juillet 2025, et rien ne prouve que le résultat serait plus clair pour autant. Je ne vous fais pas un dessin ?