Le peuple souverain
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- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le mardi 1 octobre 2024 10:44
- Écrit par Claude Séné
Avant même la prise de parole du Premier ministre devant la représentation nationale prévue cet après-midi pour présenter les orientations du gouvernement, le Premier ministre bis, ou qui se voit comme tel, Bruno Retailleau, a déjà préempté le discours de Michel Barnier, par des déclarations polémiques dont on espère qu’elles n’engagent que lui. La plus scandaleuse concerne la conception toute personnelle du ministre de l’Intérieur de l’état de droit, un des piliers de notre démocratie, qui serait grandement en danger si sa famille politique accédait au pouvoir, avec ou sans le Rassemblement national, dont il épouse visiblement les thèses sans le rejoindre explicitement.
Selon Bruno Retailleau, l’état de droit, qui est pourtant un rempart contre l’arbitraire et le pouvoir personnel à tous les échelons de la vie publique, ne serait ni « intangible, ni sacré ». Comprenez que si les dispositions ne lui conviennent pas, prenons « au hasard » l’immigration, dont il pense qu’elle n’est en aucun cas une chance, mais un problème à résoudre, il suffit de les changer. Fort de sondages qui lui prédisent une majorité sur ce sujet, il ressuscite un vieux projet du Rassemblement national : l’organisation d’un référendum sur l’immigration, permettant de durcir la position officielle qui lui semble trop souple. Petit problème, une telle consultation serait illégale actuellement. Qu’à cela ne tienne, changeons la Constitution, pour faire plaisir à Bruno Retailleau, qui confond visiblement deux notions qui ont une racine commune, mais que tout devrait séparer : démocratie et démagogie. Le gouvernement effectif par le peuple et la manipulation de ce même peuple pour lui faire croire qu’il décide.
Un des leviers de la manipulation consiste à brandir constamment la notion de peuple souverain qui s’exercerait dans les urnes, et que l’on solliciterait à la demande. Et de mettre en avant le modèle suisse où l’on organise des « votations » sur la plupart des sujets, sans pour autant échapper au risque de permettre à des partis d’influencer grandement les résultats. Bruno Retailleau est assez mal venu de faire appel au peuple quand son parti a été désavoué dans les deux dernières consultations. Et même si un tel référendum avait lieu, il pourrait être surpris des résultats. Tout dépend de qui pose la question, et comment elle serait rédigée. À en juger par les réactions suscitées par ses déclarations, rien ne serait gagné par avance. En attendant, il fallait voir les efforts désespérés des invités de BFMTV pour tenter de minimiser les propos du ministre. Que ce soit Jean-François Copé, des Républicains, ou Yves Thréard, du Figaro, ou encore Bruno Jeudy, éditorialiste maison, tous avaient sorti les rames pour sauver le soldat Retailleau, mais pas un n’a cru à une forme de lapsus. Il s’agit bel et bien de populisme à l’état presque pur.