Domaine réservé

Depuis que le président de la République a réussi tant mal que bien à nommer un gouvernement pour la France après moult péripéties, il s’est semble-t-il résigné à lui laisser les rênes du pouvoir dans la plupart des domaines de compétences ministérielles, ne serait-ce que pour lui imputer les difficultés qui ne manqueront pas de se présenter pour faire voter un budget acceptable par le parlement, et dont l’essentiel sera de faire payer la facture par les Français, sans s’attaquer aux plus grosses fortunes. Toutefois, si Emmanuel Macron évite de s’exposer en allant « au charbon » sur les sujets les plus risqués de la gestion des affaires courantes, il a visiblement l’intention de se mettre en valeur sur ce que l’on appelle « le domaine réservé ».

L’occasion était donc belle de redorer son blason, bien pâle ces derniers temps, en acceptant l’invitation du roi du Maroc pour un voyage d’état de 3 jours, tous frais payés, du moins je l’espère, au moment où la France cherche des économies sur le train de vie de l’état. Car il a fallu mettre les petits plats dans les grands pour une délégation française pléthorique de pas moins de 122 personnes à des titres très divers, depuis l’épouse du président français pour rappeler le caractère monarchique de notre démocratie, jusqu’aux 9 ministres destinés à montrer que la France prenait cette rencontre très au sérieux, ainsi que les dirigeants d’entreprises venus faire leurs emplettes en signant des contrats que l’on espère fructueux. Car, c’est cet aspect mercantile que l’Élysée met en avant en indiquant le volume des accords entre les deux pays : pas moins de 10 milliards d’euros, parait-il. Le prix à payer pour la diplomatie française était la reconnaissance de la souveraineté marocaine sur la région du Sahara occidental, revendiquée par les indépendantistes du Front Polisario soutenus par l’Algérie.

Il aura fallu cette concession au Maroc pour pousser la France à faire un geste en retour vers l’Algérie en admettant sa responsabilité dans la mort de Larbi Ben M’hidi, militant fondateur du FLN à l’occasion du 70e anniversaire de l’insurrection du 1er novembre 1954, assassiné par les militaires français. Mais revenons à la délégation française, où se sont côtoyé des personnalités que rien ne semble réunir, sinon le fait du Prince. Que venait faire ici François-Marie Banier, administrateur de biens de Liliane Bettencourt, convaincu d’abus de faiblesse et condamné à 4 ans de prison avec sursis ? Et surtout l’humoriste controversé Yassine Bellatar, chouchou du président sans que rien ne le justifie, et dont la députée Aurore Bergé, pourtant fidèle soutien d’Emmanuel Macron, dit publiquement qu’il est « un sinistre personnage ». Ce que confirme sa condamnation à 4 mois d’emprisonnement avec sursis pour des menaces de mort à l’encontre du metteur en scène Kader Aoun. Des « anecdotes », selon Emmanuel Macron.