Un cercle infernal

De tous les crimes, celui qui frappe un enfant est probablement celui qui nous touche le plus. Ce pourrait être la pierre de touche de l’humanité si l’on ne constatait pas que l’instinct animal lui aussi va dans le sens de la protection des petits, afin d’assurer la survie de l’espèce. Après la photo du petit Aylan qui a réveillé la conscience morale des Européens, c’est l’ouverture du procès des parents de Fabien, trois ans également, mort après avoir été enfermé dans un lave-linge en fonctionnement, qui suscite notre émotion.

Le chiffon rouge

Dans l’imagerie populaire, le chiffon rouge est d’abord l’évocation de la muleta utilisée par le toréador pour attirer l’attention du taureau et l’amener à charger, tout en contrôlant sa puissance. Il est l’emblème de la limite à ne pas franchir sous peine de déclencher une réaction instinctive et de libérer des forces aveugles difficiles à maitriser. Sa proximité avec le drapeau révolutionnaire a inspiré une des plus belles chansons de lutte, popularisée par Michel Fugain dans les années 80, et reprise dans les manifestations au même titre que l’Internationale. Il ne vous aura pas échappé que le Code du travail a une couverture de couleur rouge, bien qu’il soit sensiblement plus épais que le petit livre de Mao.

Je suis Aylan

Sur le moment, cette pancarte brandie par un homme venu manifester son soutien aux réfugiés m’est apparue un peu incongrue. Interrogé sur le sens de cette inscription, le manifestant a expliqué que la photo du petit garçon syrien de trois ans mort noyé en compagnie de sa mère et de son frère en tentant de rejoindre la Grèce avait soulevé en lui la même émotion que lors de l’assassinat des journalistes de Charlie Hebdo et qu’il avait trouvé cette solution pour exprimer toute sa solidarité avec les malheureux poussés à l’exil par le désespoir qu’évoquait mon invitée, dimanche.

Désespérance,

La mienne n’a rien de comparable à celle qui envahit tous ces réfugiés, Syriens entre autres, qui pensaient trouver en fuyant la guerre un accueil digne et responsable des pays auxquels ils demandaient asile. La colère aussi les habite, l’un d’entre eux, interviewé hier, l’exprimait face aux humiliations, aux privations, au manque de respect, qu’il rencontrait au cours de leur douloureux exode : « j’avais une autre image de la démocratie ».