Cachez cette misère

En ce premier jour d’une année que nous espérons tous plus heureuse en dépit des aléas qui ont marqué l’année qui s’achève et ne manqueront pas de se reproduire en 2025 avec plus ou moins de régularité, j’aimerais que nous sortions, même un peu, de la tartufferie qui consiste, trop souvent, à mettre la poussière sous le tapis. C’est dans cet esprit que nous devrions considérer la situation à Mayotte, et non en prononçant des incantations visant surtout à dissimuler les difficultés, en déplaçant les problèmes, faute de pouvoir ou de vouloir les résoudre.

La responsabilité de la France est immense, car elle a accepté de donner le droit au peuple mahorais de faire partie de la République, et doit, de ce fait, lui assurer des conditions d’existence décentes. Le cyclone n’a fait qu’exacerber les tensions, tout en ruinant l’archipel, qui ne bénéficiait déjà pas d’un habitat convenable, et manquait souvent de l’essentiel, en vivres, en eau, en électricité ou en capacités de soins. Les autorités locales réclament depuis longtemps la destruction des bidonvilles, et exigent que leur reconstruction soit interdite, et le gouvernement, François Bayrou en tête, semble leur emboîter le pas en promettant la reconstruction de la totalité de l’habitat en seulement deux ans. Noble objectif, totalement irréalisable sans un investissement massif alors que le budget de la France est déjà introuvable, simplement pour les besoins courants. Mais, admettons. Pendant ces deux années qu’allons-nous faire des habitants de ces quartiers ? Le maire de Mamoudzou a la réponse : les Mahorais à loger ou reloger devront s’adresser aux agences immobilières qui leur fourniront des logements. Que ferons-nous de ceux qui ne pourront pas justifier de salaire et de papiers en règle ? Silence radio, mais on comprend bien qu’il faudra expulser en masse et déporter des populations entières.

La décision et le vote d’une loi spéciale envisagée arrivent déjà largement après la bataille. Les menaces de se mettre hors la loi ont déjà prouvé leur inefficacité, et la reconstitution des abris de fortune est très largement avancée, deux semaines après le passage du cyclone. Pour envisager la rentrée scolaire à plus ou moins brève échéance, il faut dégager les locaux occupés provisoirement par les sans-abris. Il en va de même des gymnases ou des centres d’accueil improvisés. Où reloger ces naufragés climatiques ? Et comment assurer un avenir économique à une population qui a perdu le peu qu’elle possédait ? La crise, qui est patente à Mayotte, est larvée dans les autres territoires ultramarins. Des manifestations se sont produites aux Antilles ou en Nouvelle-Calédonie, qui présagent de nouvelles difficultés à venir. Dans l’hexagone aussi, les inégalités sont loin d’être résolues, le mot même de justice sociale n’a pas été prononcé dans le discours présidentiel des vœux, comme pour souligner que cette question était le cadet de ses soucis. Et Macron ? Le pauvre homme !