
Le pot de terre
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- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le vendredi 1 août 2025 11:22
- Écrit par Claude Séné

Cette éternelle histoire de la lutte entre le pot de terre et le pot de fer, immortalisée par Jean de la Fontaine, vient de trouver un nouvel épilogue provisoire dans le verdict rendu par le tribunal de Vienne dans le procès qui opposait depuis 2018 la famille de Théo Grataloup à la multinationale Bayer-Monsanto, firme très connue qui commercialise des produits phytosanitaires tels que le glyphosate. Le jeune homme de 18 ans est atteint de graves malformations, notamment de l’œsophage, à la suite de l’utilisation de pesticide pendant la grossesse de sa mère, qu’elle ignorait. Le tribunal n’a pas suivi la famille, faute de preuves suffisantes du lien entre le produit commercialisé par Bayer, et la malformation subie in utero.
La famille n’a pas pu produire de facture attestant l’achat du produit qu’elle utilisait à l’époque pour désherber, le Glyper. Quant aux témoignages des ouvriers présents au centre équestre dirigé par la mère de Théo, ils n’ont pas été retenus par la Cour parce que recueillis 11 ans après les faits. De sorte que le doute qui doit profiter aux accusés dans d’autres types d’affaires, a été appliqué, à mon avis à tort, et sa traduction médiatique, abusive. Beaucoup de journaux ont titré sur l’innocence du groupe, alors que le statut de victime de pesticides du jeune homme a été reconnu en 2022 par le fonds français d’indemnisation, qui lui verse une indemnité mensuelle. Si faire la preuve du lien de causalité entre l’épandage du produit incriminé est difficile aussi longtemps après les faits, la conviction des professionnels est solidement établie et la firme a été l’objet de nombreuses plaintes, tant en France qu’aux États-Unis. Les règles de droit étant différentes, plusieurs procès contre Monsanto-Bayer ont abouti à des condamnations aux USA, mais un seul en France, après cassation et appel, dans l’affaire Paul François, en 2019.
Cette jurisprudence peut être mortifère pour le groupe Bayer, qui a racheté Monsanto et la kyrielle de procès qui risque de causer sa perte. On comprend pourquoi son armée de juristes a cherché toutes les arguties possibles pour échapper à ses responsabilités, allant jusqu’à nier avoir été fournisseur du produit incriminé, ce que le tribunal n’a pas retenu. La famille Grataloup va certainement faire appel de ce jugement, et ses avocats sont plutôt confiants. Il n’est pas impossible que, pour cette fois, le pot de fer soit moins solide qu’il y paraît. D’ailleurs, dès 2019, le nombre d’actions de justice intentées à Monsanto aux États-Unis s’élevait déjà à 18 400. Compte tenu du caractère procédurier de la société américaine et la financiarisation des actions de justice, souvent abandonnées au profit d’une indemnisation des plaignants, les pertes de Bayer pourraient être colossales.