La confiance à pile ou face

Le discours de politique générale prononcé par François Bayrou hier était très attendu, notamment par les socialistes qui espéraient du Premier ministre qu’il clarifie sa position, en particulier sur la réforme des retraites dont ils réclament l’abrogation ou, a minima, une suspension de son application. La droite, ralliée récemment à la cause du président Macron, en ayant fait un casus belli, François Bayrou était pris dans un étau d’exigences contradictoires. Pour ne mécontenter personne, il n’a pas voulu trancher et il a donc proposé de confier le bébé aux partenaires sociaux, au risque de se fâcher avec tout le monde. Ce faisant, il ne prend pas grand risque, puisque, faute d’accord, c’est le statu quo qui s’impose.

En somme, le gouvernement se défausse de ses responsabilités, grâce à un dispositif selon lequel : pile, je gagne, et face, tu perds. Elle n’est pas belle la vie ? Quoi de plus démocratique en apparence que le retour à des négociations entre les représentants habituels des salariés et ceux des chefs d’entreprise ? À part peut-être un vote des députés et des sénateurs, que le gouvernement sait hostiles à la réforme telle qu’elle est, ou encore l’organisation d’un référendum dont le résultat serait un nouveau camouflet pour le Président Macron ? Pour qu’une négociation sur un nouveau projet de réforme des retraites aboutisse, il faudrait que les interlocuteurs aient un profond intérêt à la réussite des pourparlers. C’est vrai des salariés, qui font le plus gros des sacrifices imposés par les réformes successives et ne peuvent que gagner au change. C’est exactement l’inverse pour le patronat, qui ne veut rien lâcher sur tout ce qui renchérit le coût du travail, et a donc tout intérêt à ne faire aucune concession dans la discussion.

C’est généralement l’état qui facilite les négociations entre les partenaires qui n’arrivent pas à s’entendre, en y mettant du « grain à moudre ». Il faut pour cela qu’il ait la confiance des uns et des autres. Or, François Bayrou est resté extrêmement flou dans son discours, et pas plus que ses prédécesseurs depuis Élisabeth Borne, il n’a sollicité un vote de confiance des députés sur ses orientations, car il en connait par avance le résultat. Il a préféré tabler sur l’échec de la motion de censure déposée par la France insoumise, en espérant un sursis, qui ne le mènera pas bien loin. Le Rassemblement national va lui sauver la mise cette fois-ci, mais pour combien de temps ? À moins d’un succès inattendu et pour tout dire inespéré d’une réforme de la réforme des retraites, qui plus est, dans un temps comparable à l’exploit de Charlie Dalin dans le Vendée globe.