Le chiffon rouge
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- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le mardi 8 septembre 2015 10:24
- Écrit par Claude Séné
Dans l’imagerie populaire, le chiffon rouge est d’abord l’évocation de la muleta utilisée par le toréador pour attirer l’attention du taureau et l’amener à charger, tout en contrôlant sa puissance. Il est l’emblème de la limite à ne pas franchir sous peine de déclencher une réaction instinctive et de libérer des forces aveugles difficiles à maitriser. Sa proximité avec le drapeau révolutionnaire a inspiré une des plus belles chansons de lutte, popularisée par Michel Fugain dans les années 80, et reprise dans les manifestations au même titre que l’Internationale. Il ne vous aura pas échappé que le Code du travail a une couverture de couleur rouge, bien qu’il soit sensiblement plus épais que le petit livre de Mao.
Vous voyez où je veux en venir. Toucher au gros livre rouge risque bien, pour les syndicats, d’être considéré comme une déclaration de guerre. Le président Hollande a bien tenté de déminer le terrain en affirmant qu’il n’était pas question de revenir sur la durée légale du travail de 35 H par semaine, chacun comprend cependant que refondre le Code du travail passe nécessairement par un assouplissement dans lequel certains droits et certaines protections risquent d’être mis à mal. L’idée générale de François Hollande, reprenant en cela les travaux de Badinter ou le rapport Combrexelle, serait de renvoyer le détail des dispositions à des négociations sur le terrain, par branche, ou par entreprise. Le débat a déjà eu lieu à propos de l’ouverture des magasins le dimanche. Il est clair que des considérations financières ou le poids de la hiérarchie peuvent amener les salariés à accepter l’inacceptable.
Sans le dire ouvertement, l’objectif semble bien de se rapprocher du modèle anglo-saxon où le chômage est moindre, mais où les salaires et les conditions de travail sont également inférieurs. Il n’est pas besoin d’être grand clerc pour reconnaitre derrière ces propositions la main du MEDEF, qui fait officiellement profil bas sur le sujet, mais continue d’œuvrer en coulisses pour abaisser le coût du travail afin de payer les retraites des grands dirigeants. Tout se passe comme si, pour les grands patrons, le Code du travail était destiné à finir au pilon, et qu’il n’en subsiste qu’un chiffon de papier, rouge comme il se doit, agité devant le nez des syndicats pour distraire leur vigilance. Attention toutefois, il arrive que le taureau déjoue la feinte et encorne le toréador au lieu du leurre.