Je suis Aylan
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- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le lundi 7 septembre 2015 10:45
- Écrit par Claude Séné
Sur le moment, cette pancarte brandie par un homme venu manifester son soutien aux réfugiés m’est apparue un peu incongrue. Interrogé sur le sens de cette inscription, le manifestant a expliqué que la photo du petit garçon syrien de trois ans mort noyé en compagnie de sa mère et de son frère en tentant de rejoindre la Grèce avait soulevé en lui la même émotion que lors de l’assassinat des journalistes de Charlie Hebdo et qu’il avait trouvé cette solution pour exprimer toute sa solidarité avec les malheureux poussés à l’exil par le désespoir qu’évoquait mon invitée, dimanche.
À bien y réfléchir, la comparaison n’est pas inintéressante. Comme au moment des attentats de janvier, des hommes et des femmes se sont mobilisés spontanément et proposent d’aider concrètement les réfugiés qui viendraient chercher asile chez nous. Qui, amène des vêtements, qui, offre un hébergement, qui, signe une pétition, etc. Cet élan de solidarité, sans calcul aucun, a pu donner l’impression d’une unanimité, comme au moment de la grande manifestation des « je suis Charlie ». Dans les deux cas, les apparences étaient trompeuses. Dans les enquêtes d’opinion, ils sont moins de la moitié à souhaiter un élargissement du droit d’asile en France, tandis qu’une courte majorité serait favorable à une intervention en Syrie, comprenez, surtout pas de problèmes chez nous, réglez ça ailleurs, très loin de préférence.
Les deux France de l’accueil aux réfugiés et de la solidarité avec Charlie Hebdo ne se recoupent sans doute pas exactement, mais il est frappant de voir que sur les questions importantes les Français se divisent en deux parties sensiblement égales, ce qui souligne l’impossibilité de gouverner en se fiant uniquement aux sondages. Sur ce point, nous serions bien inspirés de suivre l’exemple allemand, où la Chancelière a tranché en faveur de l’accueil sans distinction des migrants, quels qu’ils soient. Certes, leur extrême droite est moins influente que le Front National, leur démographie déficitaire sans le solde migratoire y est pour quelque chose, la situation économique encourage les patrons à rechercher de la main-d’œuvre à l’étranger, mais les faits sont là. C’est la droite allemande qui donne des leçons de générosité à la gauche française. Une générosité rentable d’ailleurs, puisque les économistes estiment que les dix milliards investis seront amortis en dix ans et que le pays en sortira gagnant. Une belle occasion à saisir pour redorer un peu votre blason, Monsieur le Président.