Un cercle infernal
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- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le mercredi 9 septembre 2015 11:13
- Écrit par Claude Séné
De tous les crimes, celui qui frappe un enfant est probablement celui qui nous touche le plus. Ce pourrait être la pierre de touche de l’humanité si l’on ne constatait pas que l’instinct animal lui aussi va dans le sens de la protection des petits, afin d’assurer la survie de l’espèce. Après la photo du petit Aylan qui a réveillé la conscience morale des Européens, c’est l’ouverture du procès des parents de Fabien, trois ans également, mort après avoir été enfermé dans un lave-linge en fonctionnement, qui suscite notre émotion.
Cette mort est incompréhensible dans la mesure où la famille était connue des services sociaux depuis 2009 et avait fait l’objet d’un signalement effectué par l’école en 2010. L’administration, si prompte parfois à retirer les enfants pour les placer en foyer ou en famille d’accueil, a cette fois clairement failli à sa tâche, négligeant notamment un appel inquiétant du père de l’enfant sur son répondeur la veille du drame en novembre 2011. La presse indique que la famille était « suivie », un terme fallacieux dans la mesure où il impliquerait une action ou une attention efficace destinée précisément à éviter ce type de passage à l’acte. Les deux parents baignent dans une proximité avec les services sociaux depuis leur propre enfance, une absence de distance qui finit par banaliser tous les comportements et empêche les professionnels de faire une évaluation correcte de la gravité d’une situation. La mère, au procès, désigne son mari sous le terme de « Monsieur », une appellation typique des assistants sociaux, qui évitent de citer le nom de leurs « clients », se contentant de dire Madame ou Monsieur sans autre mention de patronyme.
Le père, qui dit ne se souvenir de rien, a suivi un traitement en psychiatrie. Il a perdu son propre père à l’âge de 7 ans, après une crise de delirium tremens et a dû être scolarisé en internat. La mère a grandi dans une famille nombreuse avec un père également alcoolique. Non pas qu’il y ait une fatalité qui ôterait tout libre arbitre à ces parents, mais des conditions objectives qui ne favorisent pas la pleine conscience des devoirs et des obligations que leur statut parental implique. De son côté, la société a manqué à son devoir de protection de l’enfance, un raté tragique qui souligne l’insuffisance des moyens mis en œuvre et la pénurie de solutions préventives.