L’œuf ou la poule
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- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le samedi 4 janvier 2025 10:58
- Écrit par Claude Séné
Pour la première fois, le président de la République s’est livré à un exercice inédit pour lui à l’occasion du discours traditionnel de présentation des vœux aux Français, celui de l’autocritique. Oh, un mea culpa très mesuré, qui m’a fait penser à la question piège des entretiens d’embauche où l’on demande au candidat de reconnaître un défaut et qu’il doit se creuser la tête pour répondre avec une apparente sincérité, sans se fustiger trop violemment et attirer l’attention sur un trait de caractère trop négatif. Emmanuel Macron a choisi de noyer le poisson en restant dans un flou peu compromettant. Il a indiqué prendre « toute sa part » dans l’incompréhension momentanée des Français de la dissolution.
Une variante de la formule selon laquelle le dirigeant aurait été mal compris et qu’il suffirait de faire de la pédagogie, une matière dans laquelle il n’a visiblement aucune expérience, pour convaincre les Français de sa compétence et du bien-fondé de ses options. Par chance, un sondage a été réalisé peu de temps après le discours présidentiel, qui permet de mesurer l’impact de ses déclarations sur l’électorat et l’opinion en général, alors que la cote d’Emmanuel Macron n’était déjà pas brillante fin décembre 2024. Et les résultats confirment et amplifient cette impression générale. Sorti de son cercle restreint de sympathisants et militants de la première heure, le macronisme ne convainc pas. La confiance en Emmanuel Macron s’établit à seulement 32 % d’opinions favorables, tout comme François Bayrou, qui fait beaucoup moins bien que Michel Barnier, lequel a cependant été censuré.
Les Français croient le président quand il évoque la possibilité de consulter les gens sous forme de référendum ou de conventions citoyennes, mais n’ont pas confiance en lui pour appliquer les décisions issues de ces procédures. Ils sont également très partagés sur l’utilité de procéder à une nouvelle dissolution quand elle sera possible. Ils sont persuadés à 86 % qu’il faudra nommer un autre Premier ministre en 2025. Sur son image personnelle, Emmanuel Macron est jugé peu humble (85 %), peu proche des gens (82 %), peu compétent (71 %), autoritaire (62 %). Il inquiète 71 % des sondés et logiquement 61 % des Français, soit 7 points de plus depuis septembre, pensent qu’il devrait démissionner. Cette accélération de la dégradation de l’image présidentielle est-elle la cause ou la conséquence de son demi-aveu d’échec, qu’il a reconnu du bout des lèvres dans l’espoir de désamorcer une critique incontournable de son action ? Vaste débat aussi vieux que la controverse de la primauté de l’œuf sur la poule. À mon humble avis, le président de la République paie le prix de son orgueil et de son arrogance. Il faut lui reconnaître le courage, y compris physique, de vouloir argumenter contre ses adversaires politiques, mais aussi parfois contre toute évidence. La recette de l’exercice d’éloquence semble avoir montré ses limites, et les Français veulent désormais du concret.