Le torchon brûle au nouveau Front populaire

Le moins que l’on puisse dire, c’est que la stratégie de la France insoumise et celle des autres composantes de la gauche, que l’on aurait appelée « plurielle » en d’autres temps, sont différentes, voire divergentes. Pour le PS, le PC et les écologistes, il est possible de profiter de la faiblesse du gouvernement Bayrou, qui doit présenter une ligne de politique générale mardi prochain et tenter de faire voter un budget, pour obtenir des concessions, et particulièrement revenir sur la réforme de la retraite, rejetée par les syndicats et la majorité des Français.

Pour LFI, toute négociation est interdite, car son objectif est de contraindre le Président à démissionner afin de permettre à son leader, Jean-Luc Mélenchon, de se présenter, et espérer remporter une présidentielle anticipée. De son côté, Emmanuel Macron, qui a tenté l’ouverture à droite, et même à l’extrême droite par l’entremise de l’éphémère gouvernement Barnier, espère fissurer l’alliance de gauche en en détachant principalement le PS, qui aspire à redevenir la force principale de l’opposition. C’est pourquoi les discussions qui ont lieu en ce moment entre le gouvernement et les partis politiques, qui pourraient déboucher soit sur une nouvelle motion de censure et le renversement du Premier ministre, soit sur une neutralité du PS en échange de concessions substantielles « à ramener à la maison » comme des trophées, sont cruciales. Une éventualité que Jean-Luc Mélenchon qualifie déjà de forfaiture, histoire de mettre de l’ambiance. Plus sérieusement, la messe n’est pas dite, à gauche. Et notamment l’issue du prochain congrès du PS, dont la date exacte n’est pas fixée, mais qui doit se dérouler en 2025.

En jeu, la reconduction ou non du Premier secrétaire sortant, Olivier Faure, favorable à une ligne d’alliance électorale ancrée à gauche, qu’elle s’appelle NUPES ou NFP, seule capable d’éviter un naufrage complet dans un système majoritaire à deux tours. Un autre courant, plus social-démocrate, aimerait se détacher du soutien forcé à la candidature Mélenchon, quitte à s’accommoder des centristes jugés les plus proches de leurs idées. En invectivant les « sociaux-traitres » du PS, LFI semble vouloir brûler ses vaisseaux en s’interdisant tout retour en arrière. Comment renouer des relations constructives et apaisées avec des alliés dont on aura dit pis que pendre la veille ? C’est pourtant ce que l’on a vu constamment dans le passé. Nécessité faisant loi, les combats électoraux ont généralement suscité des coalitions, quels que soient les modes de scrutin en vigueur. Je suis certain que si une présidentielle avait lieu demain, Mélenchon accueillerait volontiers les suffrages de ceux qu’il vilipende aujourd’hui. En revanche, la réciproque serait peut-être indigeste, à l’image des couleuvres et des chapeaux ingurgités par le passé. Même une proportionnelle intégrale ne permet pas de partager le pouvoir suprême, celui de chef de l’état.