Danse avec le tsar
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- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le vendredi 30 octobre 2015 10:55
- Écrit par Claude Séné
« Il n’y a qu’un seul président de la République, et c’est François Hollande ». Cette seule phrase dans la bouche de Nicolas Sarkozy ne manque pas de saveur. Elle résume toute l’ambiguïté du personnage et son art de dire le vrai pour faire entendre le faux. Il l’a prononcée à l’occasion de sa visite en Russie, où il a été reçu par le maitre du Kremlin avec lequel il a esquissé un pas de deux, comme pour évoquer un passé récent qu’il voudrait bien voir redevenir présent.
Avec cette évidence, Sarkozy souligne à la fois que cette présidence ne va pas de soi et qu’elle pourrait ne pas durer. Il a finalement laissé tomber l’accusation d’élection illégitime, de présidence par effraction du début de mandat, pour suggérer la parenthèse entre deux quinquennats qui lui seraient dus. Que cherche donc l’ancien président en allant voir Wladimir Poutine ? Il se défend de toute diplomatie parallèle, mais sous-entend qu’il n’approuve pas la politique de son successeur, qui a clairement dit que Poutine n’était pas notre allié dans le conflit syrien. Sarkozy ne peut ignorer que sa démarche va gêner la diplomatie française qui maintient son opposition à Bachar, soutenu par Moscou. Mais je pense que le message s’adresse surtout à ses propres troupes dans la perspective des primaires de la droite et du centre. Il se présente dans la continuité d’une posture internationale, dans laquelle ses rivaux ne peuvent pas se placer. Un jeu dangereux dans lequel il n’est pas certain d’être suivi. Car Sarkozy est l’homme des fidélités successives. Après avoir été Sarko l’Américain, puis Sarko l’Allemand, le voici Sarko le Russe. Pour combien de temps ?
Quant à Poutine, il aimerait bien redevenir l’interlocuteur incontournable dans sa sphère d’influence, et l’on voit bien que dans son esprit elle inclut non seulement l’ancienne Union soviétique, mais aussi une partie non négligeable des « marches » de l’empire. La crise du Moyen-Orient lui a permis de reprendre la main, mais aucun soutien ne sera superflu pour la garder, même celui d’un homme politique d’opposition. Aux États-Unis, les anciens présidents sont parfois utilisés pour accomplir des missions dans l’intérêt supérieur de leur pays et ils s’acquittent de leur tâche dans un total désintéressement. En France, on préfère donner des conférences rémunérées tout en sapant l’autorité de son successeur. C’est ce qu’on appelle jouer sur les deux tableaux.