Cric-crac dans ma baraque !

Dans la plupart des jeux enfantins, il existe une disposition salvatrice qui permet d’échapper provisoirement à la pression de l’enjeu, de suspendre pour un temps la menace pour reprendre son souffle avant de repartir de plus belle dans la compétition. À l’échelle des adultes et du monde politique, un dispositif similaire est prévu et il s’appelle l’immunité parlementaire. Henri Guaino, qui n’a pas digéré l’amende de 2 000 euros à laquelle il a été condamné en appel pour avoir insulté le juge Gentil, coupable selon lui de crime de lèse-majesté pour avoir osé mettre en examen son chouchou, Nicolas Sarkozy, a récidivé en séance plénière de l’Assemblée nationale.

Alors qu’il avait déclaré que le juge fautif avait « déshonoré la justice », il s’en est pris cette fois à l’ensemble de la profession, accusée d’abriter en son sein « des pervers et des psychopathes, des juges infâmes qui rendent un jugement inique ». Pas moins. C’est qu’Henri Guaino à découvert que son statut de député lui permettait d’exprimer n’importe quelle opinion du moment que ce soit pendant les séances, sans risquer la moindre condamnation grâce à cette fameuse immunité. D’où cette sortie vengeresse en forme de défouloir, qu’il aurait pu ponctuer d’un « na ! » bien senti, pour marquer une crise d’opposition comparable à celle qui agite les bambins vers trois ans. On se demande pourquoi il n’en a pas profité pour exprimer toute sa rancune en traitant Manuel Valls de « caca boudin ».

Quand l’assemblée révolutionnaire de 1789 a institué cette disposition, je ne crois pas qu’ils imaginaient l’usage que pourrait en faire Mr Guaino. Leur but était de protéger les représentants du peuple afin de garantir la liberté de leurs opinions, de leurs choix et de leurs votes, et non d’assouvir quelque mesquine vengeance personnelle rappelant fortement le coup de pied de l’âne. De telles déclarations ne sont pas de nature à redorer le blason d’une profession qui offre trop souvent à la télévision le spectacle d’une cour de récréation aux rangs clairsemés, où les députés chahutent ou s’invectivent, quand ils ne s’adonnent pas à des activités sans rapport avec leurs fonctions, telles que les mots croisés ou le sudoku. On les préfère pourtant au Palais Bourbon plutôt qu’en visite chez le dictateur syrien, comme ces trois parlementaires que je ne peux pas qualifier sans tomber sous le coup de la loi, faute d’immunité.