Le riche se rebiffe

Depuis que les gouvernements provisoires qui se succèdent cherchent désespérément, en vain pour l’instant, à établir un budget pour 2025, il y a une constante, qui serait de taxer, exceptionnellement ou pas, les entreprises et les particuliers les plus fortunés, afin de boucler à l’équilibre ou presque les dépenses et les recettes de l’état en attendant des jours meilleurs. Les prévisionnistes sont partis du principe que les plus riches seraient aussi les plus disciplinés et qu’ils consentiraient donc à l’impôt, fût-il exceptionnel, sans protester outre mesure. C’était aller un peu vite en besogne, comme en témoigne le discours très offensif de Bernard Arnault, l’homme le plus riche d’Europe, mais qui ambitionne de talonner les milliardaires américains.

Le patron du groupe de luxe LVMH, qui présentait certes des résultats nets en légère baisse pour 2024, mais très encourageants pour l’avenir, a tiré à boulets rouges sur la politique économique de la France, accusée de vouloir taxer le made in France et de pousser les industriels français à la délocalisation. Sans oublier l’ennemie numéro un de notre économie, la bureaucratie. Et de vanter le modèle américain poussé à son paroxysme avec l’élection de Donald Trump, à qui il a fait acte d’allégeance comme ses homologues américains en assistant en bonne place à la cérémonie d’investiture du 47e Président des États-Unis. Voilà qui est de nature à tordre le cou à une croyance qui voudrait que tous les riches ils sont beaux, tous les riches ils sont gentils, sous prétexte que certains d’entre eux, dont Bernard Arnault, en effet, se piquent de mécénat et subventionnent quelques bonnes œuvres. Ça a été le cas par exemple pour la restauration de la cathédrale de Notre-Dame de Paris, pour laquelle il a contribué volontairement avec d’autres, très connus, et beaucoup d’anonymes.

Cette tendance morale ne peut qu’être saluée, et en lisant entre les lignes le discours d’Emmanuel Macron sur la nécessaire rénovation du Louvre, qui ne devrait « rien coûter à l’état », on comprend à demi-mot que le Président a dû obtenir l’assurance du milliardaire de financer les travaux, avec certains de ses collègues, probablement. Ce genre de pratique est monnaie courante aux États-Unis, où les plus grosses fortunes sont fréquemment réinvesties dans des fondations caritatives telles que celle de Bill Gates, patron de Microsoft et son épouse Mélinda, qui lui permet à la fois d’optimiser sa situation fiscale et de faire une publicité positive sur ses activités, guère plus chère qu’une campagne commerciale classique. Quand on creuse un peu, on s’aperçoit que le patriotisme industriel invoqué par les grands patrons leur permet surtout d’alimenter le chantage à l’emploi et de valoriser une générosité apparente dont ils restent seuls juges et maîtres.