Alerte rouge !

D’un point de vue météorologique, je fais partie de la population menacée par des crues catastrophiques, même si, par chance, je ne suis pas dans une zone inondable, et que les conséquences d’une pluie persistante se limitent pour moi à éviter les secteurs recouverts par l’eau débordant des lits des rivières ou les bords du canal de Nantes à Brest. Sur le plan politique, c’est la coïncidence de cette alerte et la résurgence de points de vue de l’extrême droite par le Premier ministre qui a attiré l’attention et menace paradoxalement de mettre le feu aux poudres. Ce serait le sentiment de « submersion » lié à l’immigration qui provoquerait un ras-le-bol et un rejet par la population.

François Bayrou a évoqué cette formulation, directement empruntée à Jean-Marie Le Pen, au cours d’un entretien sur LCI, et a confirmé cette position devant les députés le lendemain, malgré les réserves venant de son propre camp, par la bouche de la présidente de l’Assemblée nationale par exemple, qui s’émancipe de plus en plus de l’ancienne majorité macroniste. Le discours xénophobe a toujours fait partie de l’éventail politique, mais il a rarement été aussi décomplexé, et porté par des formations supposées faire partie des partis « fréquentables ». On se souvient pourtant de dérapages sur les populations d’origine étrangère, avec la sortie de Jacques Chirac en 1991, alors président du RPR et maire de Paris, fustigeant « le bruit et l’odeur ». Il y reprenait l’éternel argument, encore avancé aujourd’hui, sur la proportion d’étrangers au-delà de laquelle la population ferait une « overdose ». La question est de savoir pourquoi François Bayrou a tenu à donner ce gage au Rassemblement national, qui a fait tomber son éphémère prédécesseur, Michel Barnier, en votant la censure. Alors qu’il est en pleines négociations avec le Parti socialiste, qui pourrait, à lui seul, empêcher le RN de jouer les arbitres en ne censurant pas le gouvernement ?

Même les plus conciliants du PS, favorables à un accord de non-censure en échange de concessions sur le budget et les retraites, ne peuvent pas laisser passer cette déclaration de François Bayrou, et il aurait dû le savoir. Il semble vouloir ménager la chèvre et le chou, au risque de mécontenter tout le monde et son père. Il lui faudrait savoir maîtriser l’art délicat de la godille, où certains marins excellent et réussissent à donner l’illusion d’une trajectoire rectiligne en maniant souplement la rame grâce à un habile coup de poignet. Le Premier ministre, par des mouvements trop brusques, tirant de tribord, beaucoup, et de bâbord, un peu, prend le risque de faire chavirer la fragile embarcation et noyer ceux qui y seraient montés à leurs risques et périls.