La simplicité même

C’est ce qui caractérise le mieux à mon avis la façon dont le nouveau président des États-Unis considère l’état du monde et de l’Amérique. D’un côté, les gentils, dont il fait partie, naturellement, et dont il veut bien partager les idées du moment qu’on ne touche pas au Dieu dollar et que l’on permette aux affaires, notamment les siennes et celles de ses amis, de prospérer. De l’autre, les méchants, et spécialement les étrangers, les femmes, les trans, les démocrates et ceux qui les défendent, enfin, tous ceux qui ne sont pas d’accord avec lui, spécialement cette femme évêque qui a fait appel à son humanité au cours d’un sermon à sa messe d’investiture, et qui pourrait payer très cher son courage.

Donald Trump n’a pas pris les Américains en traitre. Il avait annoncé la couleur pendant sa campagne en prévenant les électeurs qu’il serait un dictateur, mais uniquement le premier jour. Une fois élu, il s’est rendu compte qu’une journée passait très vite, même en mettant les bouchées doubles. Il a donc pris un peu d’avance pour signer des décrets à la chaîne, et il semble prêt à continuer comme ça jusqu’à la fin de son mandat en faisant un nouveau remake du jour sans fin, le film d’Harold Ramis, jusqu’à ce que les citoyens, tels des marmottes, se réveillent de leur long hiver et donnent enfin le signal du renouveau. Les premiers charters reconduisant les immigrés clandestins en situation irrégulière dans leur pays d’origine ont commencé à circuler, notamment en Colombie, qui a essayé de refuser leur retour, mais a dû les accepter sous la menace de rétorsion économique sous forme de droits de douane exorbitants sur leurs produits. De quoi faire rêver Bruno Retailleau ou Gérald Darmanin, mais l’Algérie n’est pas la Colombie et nous sommes, heureusement, encore fidèles aux règles et aux traités internationaux, dont Donald Trump s’affranchit unilatéralement, et dont il est prêt à se retirer, surtout si ça coûte quoi que ce soit à son pays.

Sur le plan international, son obsession est de mettre fin aux guerres en cours, d’une part parce qu’elles nuisent aux affaires, et aussi, et c’est plus surprenant, parce qu’il rêverait d’obtenir le prix Nobel de la Paix. Dans cette optique, il braderait très volontiers tout ou partie du territoire ukrainien, en échange d’un arrêt, même provisoire des hostilités, sans se donner la peine de consulter le président légitime Volodymyr Zelensky. Quant à l’épineuse question des Palestiniens, il a trouvé la solution : il suffit de les rassembler dans des pays voisins, puisque le leur est devenu inhabitable, sans demander leur avis aux intéressés, au nom du droit inaliénable des tyrans à décider de l’avenir des populations sans leur demander leur avis. Au moment de commémorer le 80e anniversaire de la libération des camps d’extermination nazis, cette déportation envisagée est insupportable.