Tempête dans un pot de rillettes

Le rapport de l’Organisation mondiale de la santé a suscité une tornade de commentaires hâtifs et alarmistes qui soulignaient à qui mieux mieux les dangers de la consommation excessive de viande rouge et de charcuterie. Dans cette phrase, le mot important est « excessive ». Si vous avez l’habitude de petit déjeuner au jambon beurre, de vous taper un steak de 300 g à midi avant de prendre votre saucisson pour le goûter et terminer par un gigot au diner, attention, danger ! Franchement, vous ne vous en doutiez pas un peu ?

Après les années difficiles de la guerre et les privations imposées par le rationnement, les Français, comme la plupart des habitants des pays développés, ont eu tendance à vouloir se rattraper et notamment à rechercher les produits carnés qui leur avaient fait défaut. Les études ont démontré depuis longtemps qu’une alimentation équilibrée était la base d’une politique de santé bien comprise et que l’excès de consommation de viande n’apportait rien sur le plan nutritionnel et risquait de favoriser l’apparition de troubles et notamment de l’agressivité. En pratique, plus que les campagnes de promotion des fruits et des légumes, c’est le renchérissement de ces denrées qui a amené les gens modestes à limiter leur consommation de produits carnés. Souligner à l’excès le rôle néfaste qu’ils pourraient jouer en aggravant le facteur de risque dans les cancers colorectaux de 18 % quand le tabac ou l’alcool le porte à 1000 % revient à enfoncer une porte ouverte tout en détournant l’attention des vrais problèmes.

Quels sont les risques sanitaires les plus importants concernant l’alimentation ? Ils sont connus : l’excès de sel, de sucres et de graisses, avec leur corollaire, l’obésité, qui touche des populations de plus en plus jeunes. Si les Français, alertés par ces communiqués abondamment repris par la presse, diminuaient leur consommation de viande et de charcuterie, ils ne s’en porteraient que mieux, probablement, mais à condition de ne pas les remplacer par des plats cuisinés de mauvaise qualité, contenant en abondance gras, sel ou sucre. Le fléau de la malbouffe, favorisé par des coupures déjeuner trop réduites, est à mon avis un danger et un risque plus imminent que le tournedos Rossini, réservé à une population qui en a les moyens, et suffisamment éduquée pour ne pas en abuser. Enfin, moi je dis ça…