America first

C’est l’Australie qui a poignardé la France dans le dos, selon l’expression de Jean-Yves Le Drian, en apprenant la rupture du contrat qui prévoyait la fourniture par la France de 12 sous-marins, mais c’est bien l’Amérique de Joe Biden qui a fourni l’arme du crime et le Royaume-Uni de Boris Johnson qui lui a tenu la main. Le ministre français des Affaires étrangères a précisé que « cela ne se faisait pas entre alliés », ce qui indique bien que les états en question ne sont pas véritablement nos alliés, ou alors qu’ils ont une conception hiérarchique des alliances.

C’est en effet très révélateur que ce soient les États-Unis qui prétendent avoir prévenu la France de ce projet aboutissant à l’abandon de la commande australienne à leur profit. Une affirmation contestée par le Quai d’Orsay et qui n’excuse rien, de toute façon. Cette décision unilatérale rappelle en effet les pires heures de l’administration Trump qui claironnait le retour de la grandeur de l’Amérique. Les démocrates et les républicains sont sur la même longueur d’onde : faire primer les intérêts économiques de leur nation sur toute autre considération : c’est l’Amérique d’abord, et même l’Amérique seulement. Après le fiasco humiliant en Afghanistan, il s’agit de démontrer la puissance de feu intacte, en désignant un nouvel ennemi, la Chine, et en déployant une puissance militaire dans la zone à l’aide des supplétifs anglais et australiens.

Le changement de doctrine des Australiens est tout sauf spontané. Ils le justifient par la « nécessité » de se doter de sous-marins à propulsion nucléaire alors que le contrat portait sur des moteurs conventionnels. Une révolution pour un pays qui dénonçait l’usage du nucléaire et notamment les essais pratiqués dans le Pacifique. Mais passons. Ils ont opté pour les modèles utilisés par leurs nouveaux partenaires de la Triple Alliance, parce que les sous-marins français n’étaient pas meilleurs. Mais pas moins bons non plus, si l’on sait lire. C’est donc bien un choix politique et stratégique. Concernant les Anglais, pas de surprise. Depuis le Brexit, Boris Johnson s’efforce désespérément de se tourner vers les États-Unis pour sauver son économie, privée du débouché européen, et la France est sa tête de Turc favorite. La perte du marché australien est évidemment une mauvaise nouvelle pour l’entreprise qui devait en assurer la fourniture, mais elle devrait s’en remettre. C’est aussi et peut-être surtout l’occasion de mettre en place une politique commune européenne de la défense, et de renforcer les liens entre les états membres pour faire jouer toute la puissance économique que représente l’Union européenne, peu ou mal exploitée dans les relations commerciales à l’échelle mondiale. Dans le duel qui s’annonce et le bras de fer entre Chinois et Américains, l’Europe a une carte à jouer, et pourrait sortir gagnante si les pays les plus frileux prennent acte du désintérêt américain de plus en plus flagrant pour assurer eux-mêmes leur propre sécurité.

Commentaires  

#1 massé 17-09-2021 11:58
petite consolation l'Australie devra quand même "cracher" quelques millions d'indemnités à NAVAL GROUP...
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