Par qui arrivera le scandale ?

Il fallait une loupe ce matin pour trouver des informations sur ce qui devrait faire les manchettes de la presse nationale et régionale, dont je n’avais auparavant entendu parler que sur France Info : des milliers d’enfants ou d’adolescents, principalement des jeunes filles, qui sont accueillis dans les structures de l’aide sociale à l’enfance, sont victimes de réseaux de prostitution, au vu et au su de personnels impuissants à empêcher ces pratiques indignes de notre pays. Au point qu’une éducatrice dénonce la systématisation de ces pratiques à Marseille où elle travaille, et qu’elle déconseille formellement le placement, en dehors des cas de mise en danger de la vie des mineurs concernés.

Ces faits ne sont pas apparus récemment. Ils sont devenus progressivement la norme, au point de déclencher une enquête parlementaire, qui vient de révéler ses conclusions après un an d’investigations. Environ 15 000 mineurs de l’ASE seraient obligés de se prostituer à partir de l’âge de 11 à 14 ans sans que l’institution y mette un terme et remplisse son obligation de mise en sécurité des jeunes qui lui sont confiés. Techniquement, ce sont les présidents élus des départements qui sont responsables de la bonne marche des structures d’aides telles que les foyers de l’ASE. Une plainte a d’ailleurs été déposée contre les présidents des Bouches-du-Rhône, des Yvelines et de l’Essonne, mais il est évident que le problème est national, et le ministre de la Justice doit s’emparer du sujet pour y apporter des solutions, et rapidement. Gérald Darmanin promet de renforcer les contrôles, notoirement insuffisants en la matière, pour atteindre progressivement 35 visites par trimestre.

C’est un début, qui indiquerait la prise en considération d’un phénomène dont l’avocat d’une famille plaignante a pu dire, à juste titre, qu’il se résumait  à « livrer nos enfants aux chiens. » Dans l’état actuel des choses, le danger auquel les enfants placés sont supposés échapper, tel que l’exposition à l’influence d’une famille ou de relations toxiques, n’est ni plus grand, ni plus certain que les conditions de vie dans beaucoup des établissements concernés. Les représentants des éducateurs chargés d’encadrer au quotidien les jeunes placés sous leur responsabilité dénoncent une formation initiale insuffisante et un taux d’encadrement ne permettant pas un travail de fond. Au lieu de se lamenter sur une montée de délinquance touchant les mineurs et de s’interroger sur la pertinence de l’ordonnance de 1945 pour justifier une répression inefficace en supprimant l’excuse de minorité, l’état devrait rénover sa politique de protection de l’enfance en lui accordant tous les moyens nécessaires, et en s’attaquant sérieusement aux réseaux de prostitution infantile et à leurs clients.