Divorce à l’américaine

Comme dans le fameux « divorce à l’italienne » où Marcello Mastroianni devait à tout prix trouver un amant crédible à son épouse pour pouvoir la tuer et s’en tirer avec une peine légère sous couvert de « crime passionnel », comme on le disait, la rupture entre Elon Musk et Donald Trump n’a rien d’un divorce à l’amiable. Commencée dans l’enthousiasme et la satisfaction réciproque, l’alliance de la carpe et du lapin finit dans la confusion et les accusations de l’un vers l’autre, pour tenter de faire porter la responsabilité de l’échec sur les épaules adverses.

En réalité, ce désaccord n’est pas vraiment une surprise, tant les intérêts des deux camps étaient radicalement différents dès le début. Autant Elon Musk portait les aspirations du milieu de la « tech » en défendant une dérégulation massive et un libre échange à l’échelle mondiale, prônant un libéralisme économique exacerbé, autant Donald Trump, tout en défendant des baisses massives d’impôts, imposait un protectionnisme exacerbé dont nous avons vu les conséquences dans le tableau délirant des droits de douane qu’il voudrait imposer. Ils se rencontraient cependant sur un point, la nécessité de baisser les dépenses de l’état en réduisant massivement son train de vie. Le président chargeait le milliardaire de trouver des économies en licenciant les fonctionnaires « superflus ». L’objectif de 2000 milliards de dollars, rapidement ramené à 1000 milliards, ne se traduira finalement que par une économie de 160 milliards effectifs, mais surtout par une désorganisation massive des agences visées, qui conduira peut-être à devoir réembaucher certains employés. À la décharge d’Elon Musk, le président a continué pendant cette période à engager des dépenses nouvelles, sapant l’action de l’homme d’affaires. Ce différend trouvait son apothéose dans le projet de loi de finances soumis au vote du Congrès et qualifié d’abomination répugnante par Elon Musk.

L’opposition est devenue frontale entre les deux hommes qui usent et abusent de messages comminatoires sur leurs réseaux sociaux respectifs, X anciennement Twitter, et Social Truth. Musk menace de créer un troisième parti sur le dos des Républicains et des Démocrates, en prédisant l’éclatement du parti républicain entre soutiens et adversaires de Trump. Le président pourrait retirer toutes les commandes publiques aux entreprises de Musk. Il a déjà décidé de ne pas nommer un proche de Musk à la tête de la Nasa, comme prévu auparavant. L’affaire pourrait prendre un tour encore plus scandaleux avec l’accusation terrible de l’implication du président dans le dossier Epstein, du nom de ce millionnaire qui s’est suicidé en prison en 2019 alors qu’il était accusé d’avoir organisé un réseau de prostitution impliquant des mineures. Quant à Trump, il a déclaré que Musk « était devenu fou ». Après Poutine, c’est le deuxième cas diagnostiqué par le président, à croire qu’il s’agirait d’une sorte de maladie contagieuse véhiculée par lui-même. Pourra-t-il nous faire croire qu’il n’est qu’un « porteur sain » ? j’en doute.