
La vérité si je mens
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- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le lundi 16 juin 2025 10:57
- Écrit par Claude Séné

Je me suis souvent demandé si je serais capable de décrocher mon baccalauréat si je devais le repasser, avec toute l’expérience que la vie m’a réservée, mais aussi le fossé, voire le gouffre générationnel, qui me sépare de l’adolescent que j’étais au moment de passer les épreuves. À mon époque, il y avait trois filières pour le bac général : philosophie, sciences expérimentales ou mathématiques. Ayant fait mes humanités du côté des lettres, seule la philo m’était accessible, et ça tombait plutôt bien, compte tenu de mes goûts. Par conséquent, je ne manque jamais de prendre connaissance des sujets soumis à la réflexion des candidats dans cette épreuve.
Cette année, si j’exclus par principe l’explication de texte, une fausse facilité, qui demande en réalité une solide connaissance de l’ensemble de la matière, j’aurais eu le choix entre deux sujets de dissertation et je pense que j’aurais opté pour le sujet 2 : « la vérité est-elle toujours convaincante ? » plutôt que le sujet 1 : « notre avenir dépend-il de la technique ? », plus scolaire. Alors, je sais bien que les professeurs de philosophie déconseillent de prendre des exemples dans l’actualité, mais, étant donné que je me suis donné comme tâche de commenter journellement précisément un fait marquant des évènements du moment, c’est probablement un des sujets que je connais le mieux, grâce à une lecture assidue des principaux médias à l’exclusion des réseaux sociaux auxquels je ne suis pas abonné. Je pourrais donc m’interroger sur cette notion de vérité dans notre monde moderne qui privilégie le mensonge comme vérité alternative, mettant sur le même plan une analyse scientifique nourrie par des preuves objectives, vérifiables, et une opinion, en général destinée à manipuler autrui.
J’en veux pour preuve la multiplication des sites spécialisés dans la vérification des infox qui se propagent beaucoup plus rapidement que leurs démentis. À quoi il faut ajouter le développement exponentiel de l’intelligence artificielle dite « générative » qui permet tous les trucages, en mettant en scène un vrai mensonge, attribué à une personne célèbre. Ces faux sont tellement ressemblants qu’ils sont parfois très difficiles à déceler, renouvelant le constat ancien du : « c’est vrai, puisque je l’ai lu dans le journal ». Le résultat le plus flagrant de ce nivellement des valeurs, c’est un scepticisme généralisé, la vérité vraie étant parfois moins crédible qu’un beau mensonge. Ce qui peut amener certains à parer leur discours d’arguments inventés de toutes pièces, de crainte de n’être pas crus, indépendamment de la véracité de leur message. À l’inverse, un énoncé totalement véridique, ou au moins sincère ne sera pas nécessairement convaincant s’il n’est pas dans l’air du temps, ou s’il n’est pas étayé par une solide argumentation. Selon certains intellectuels, nous serions entrés dans l’ère de la « post-vérité ». Il ne sera pas facile d’en sortir.