La meilleure défense

Ce serait l’attaque, selon une formule attribuée parfois à Napoléon Bonaparte ou à Joachim du Bellay. Si l’origine en est incertaine, sa justesse en est généralement admise, et c’est probablement sur le conseil de son entourage que François Bayrou a adopté cette stratégie pour se justifier devant la commission parlementaire qui l’entendait hier sur son rôle dans ce qu’il est convenu d’appeler « l’affaire Betharram ». Il comparaissait devant cette commission multipartisane à divers titres. Dont celui de ministre de l’Éducation à l’époque des faits de violences physiques et sexuelles révélés par leurs victimes dans l’établissement privé où il a scolarisé plusieurs de ses enfants et dans lequel son épouse enseignait le catéchisme.

Il était également un élu local, et il est soupçonné d’être intervenu auprès d’un juge chargé de l’affaire. Mais François Bayrou balaie ces casquettes d’un revers de main. Il veut témoigner comme Premier ministre en exercice, ce qui apparemment dans son esprit lui donne des droits dépassant le statut de simple citoyen qui jure de dire la vérité devant une instance démocratiquement désignée pour tenter d’établir la réalité des faits. Il se comporte comme s’il répondait à une question d’actualité posée par un député, ne se privant pas d’utiliser tous les arguments d’autorité liés à son statut, et tentant de renverser les rôles en accusant le corapporteur de la commission, le député LFI Paul Vannier, d’accusations mensongères. Selon François Bayrou, il n’a rien à se reprocher, c’est plutôt lui la victime que l’on essaye de salir pour l’empêcher d’accéder à de plus hautes fonctions. Le Premier ministre nie donc en bloc avoir eu connaissance de faits délictueux autrement que par la presse dont il dit par ailleurs ne pas toujours la lire, « par hygiène mentale ». Et s’il était établi que sa version des faits était inexacte ou incomplète, ce serait à cause de sa mémoire imparfaite.

Car François Bayrou s’octroie un « droit à l’oubli » bien commode pour justifier a posteriori toute erreur ou omission, malgré le ton péremptoire de ses déclarations actuelles. Avant de quitter l’hémicycle, le Premier ministre a désigné unilatéralement le vainqueur de cette confrontation, lui-même, et le perdant, le député LFI, qu’il aurait contraint à une déroute humiliante. Malheureusement pour lui, d’après un sondage réalisé avant l’audition d’hier, deux tiers des Français considéraient qu’il était fragilisé par cette affaire et qu’il devrait démissionner s’il était établi qu’il était au courant au moment des faits et qu’il avait donc menti sciemment devant l’Assemblée nationale. Et 83 % des sondés disent avoir eux-mêmes entendu parler de cette affaire, contrairement au Premier ministre à l’époque. CQFD.