Quinze pour cent

Il y a quelques mois, après la première vague de l’épidémie du Covid 19, j’évoquais ici même le contraste entre le comportement de certains grands groupes industriels tels que Nokia ou Sanofi qui profitaient de la crise sanitaire pour licencier à tour de bras, et celui de Danone, dirigé par un « patron social », Emmanuel Faber, qui transformait les statuts du groupe pour en faire une entreprise à mission axée sur le social, le sociétal et l’environnemental. Belles paroles contredites par les actes avec l’annonce d’un plan de suppression de 2000 postes, dont 400 en France.

Pourtant le groupe continue d’être rentable, comme le soulignent les syndicats, mais pas suffisamment selon le PDG, qui vise une rentabilité de 15 % au minimum. Dans un autre contexte, ce serait déjà dur à avaler, mais actuellement, avec la crise économique liée à la crise sanitaire, il parait surréaliste de ne pas se serrer les coudes, quitte à faire un peu moins de profits en attendant des jours meilleurs, quand on a la chance de ne pas être en risque de faillite immédiate. Surtout quand on prétend vouloir le bien-être de ceux qui travaillent pour dégager les plus-values constantes depuis des années. Emmanuel Faber, qui semblait représenter un capitalisme « à visage humain », montre ainsi les limites de ce qui apparait désormais comme du paternalisme pur et simple.

Pour faire passer la pilule et gommer l’image désastreuse pour la marque, le patron promet un accompagnement personnalisé pour les salariés les plus mal payés et souligne par pure démagogie que ce sont les cadres et les dirigeants qui seront les premiers touchés par le « dégraissage ». Cela dit, je ne l’ai pas entendu évoquer une baisse de sa propre rémunération. Il est vrai qu’avec deux millions huit de salaire annuel en 2016, il n’était que 16e sur 131 parmi les dirigeants du CAC 40 et du SBF 120. Heureusement, avec les à-côtés : part variable, pluriannuel, long terme, etc. il arrivait à 4,8 millions par an, ce qui lui permettait, bon prince, de renoncer à une retraite chapeau pour se contenter de la retraite « normale » des dirigeants.

À une période où le port du masque est plus que jamais recommandé, Emmanuel Faber fait tomber le sien, si tant est qu’il ait pu abuser grand monde avec un discours du style de celui qu’il a prononcé au cours de la remise des diplômes aux étudiants de HEC. Se servant avec habileté de l’histoire de son frère schizophrène pour apitoyer son public et au-delà l’opinion publique à laquelle il s’adressait en réalité, dans une communication bien huilée et soigneusement préparée, il a réussi à émouvoir et à se faire passer pour un grand humaniste. Bravo l’artiste, mais c’est un fusil à un seul coup.

Commentaires  

#1 Josette 25-11-2020 13:36
Eh oui encore une preuve si besoin en était que nous ne sommes pas sur la même planète et que nous ne pourrons jamais nous comprendre.....
Citer