L’omelette et le camembert

Je vous rassure tout de suite. Je ne vais pas vous infliger une chronique en forme de recette de cuisine, à la manière d’un chef d’une de ces émissions culinaires en vogue depuis un certain temps, bien que l’air du temps en politique fasse penser furieusement à la « tambouille électorale » dénoncée chez les adversaires, mais tolérée pour soi comme un mal nécessaire. La donne est en train de changer avec l’effondrement du parti présidentiel aux élections européennes, victime du rejet massif personnel de son principal, voire unique dirigeant, Emmanuel Macron en personne.

Naturellement, le premier constat est la montée du Rassemblement national, mais si l’on s’interroge sur les raisons de son succès, on est frappé par la faute stratégique du Président Macron d’avoir persévéré dans l’erreur de réduire les débats à un affrontement entre lui-même et le parti de Marine Le Pen, installant ainsi ce mouvement comme interlocuteur valable et même principal, meilleur adversaire possible en comptant sur un effet repoussoir qui ne s’est pas produit. À l’origine de l’accession d’Emmanuel Macron au pouvoir, alors qu’il sortait de nulle part, il y a eu l’idée de réunir les centristes des deux côtés du clivage droite gauche qui dominait la vie politique de la 5e République depuis sa création en 1958. Il s’agissait alors de « couper les deux bouts de l’omelette », en gardant la plus grosse part, celle des modérés, avec peu ou pas de convictions précises. Le mouvement dit « en marche » s’appuyait alors sur ses deux jambes. Puis, le glissement progressif du Président en direction de la droite, chez qui il a recruté la majeure partie des membres de ses gouvernements, a asséché le parti des Républicains, qui comptera bientôt plus de candidats à l’élection présidentielle que de militants « de base ».

Et donc, exit l’omelette et place au camembert, celui que l’on utilise couramment pour présenter les résultats d’une élection, sous forme d’un hémicycle, un demi-camembert, dans lequel les formations politiques apparaissent émiettées, mais où un parti domine outrageusement depuis dimanche dernier. La dissolution apparait donc comme un cadeau du Président au Rassemblement national pour purger tout de suite l’hypothèque d’une censure du gouvernement au moment du vote du budget. C’est sans doute pourquoi Éric Ciotti a cru bon de devancer l’appel en proposant un accord de son parti avec le RN. Le résultat le plus évident des grenouillages présidentiels, c’est d’avoir ressuscité les clivages antérieurs, qui n’auraient pas manqué de revenir après la parenthèse désenchantée du macronisme. En attendant, les manœuvres désespérées de l’apprenti sorcier de l’Élysée plongent le pays dans une période d’incertitude néfaste pour tous les Français. Et il croit toujours être la solution, alors qu’il est en réalité le problème.