La course du lion
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- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le mardi 11 juin 2024 10:32
- Écrit par Claude Séné
Pas le temps de s’attarder sur les résultats des élections européennes qu’il faut déjà se préparer au scrutin suivant, celui des législatives anticipées consécutives à la dissolution de l’Assemblée nationale. À se demander si ce n’était pas l’objectif principal de la décision d’Emmanuel Macron : prendre de court l’ensemble de la classe médiatique et politique en leur donnant un nouvel os à ronger pour faire oublier l’échec cuisant de la liste présidentielle. Car enfin, avant de tourner la page, il faut bien quand même observer le séisme que représente le score historique du Rassemblement national qui atteint des sommets jusqu’ici inégalés et même inimaginables il y a peu.
Rappelons-nous le 21 avril 2002, quand Jean-Marie Le Pen dépassait Lionel Jospin d’une courte tête au 1er tour de la présidentielle, il n’était qu’à moins de 17 % de suffrages, ce qui était considéré déjà comme énorme, alors que dimanche dernier, plus de 31 % des électeurs ont voté pour une liste se réclamant de son héritage. C’est fort de cette dynamique que l’extrême droite se présente et pense obtenir une majorité absolue de députés dans la nouvelle Assemblée nationale. Et c’est un pari qu’elle a de grandes chances de remporter, dans un scrutin majoritaire à deux tours, où seuls les deux premiers sont qualifiés d’office au 2e tour, tandis que les suivants doivent obtenir au minimum 12,5 % des inscrits pour se maintenir. Autant dire que si la participation est faible, en plein début des vacances scolaires, il y aura peu de triangulaires et encore moins de quadrangulaires. La place de 3e risque donc d’être éliminatoire, et sera, dans bien des cas, réservée aux tenants du camp présidentiel, qui n’osent même plus se réclamer de leur leader, tant il a mauvaise presse.
Inversement, Emmanuel Macron, par sa décision irréfléchie, a peut-être rendu service involontairement aux partis de la gauche, qui ont eu la sagesse de passer outre leurs divergences et de conclure une alliance pour sauver ce qui peut encore l’être et faire barrage à un raz-de-marée possible du Rassemblement national. Il reste à définir un contrat de gouvernement au cas où les électeurs se rangent sous la bannière de ce nouveau Front populaire en nombre suffisant. Ce qui n’est pas exclu. Cette course à trois m’a rappelé une histoire qui a circulé autrefois. Ce sont deux explorateurs en plein désert qui voient arriver de loin un lion sauvage et dangereux alors qu’ils sont assez éloignés de leur véhicule où ils seront en sécurité. Le premier propose d’essayer de tuer le lion avec leurs fusils, tandis que l’autre préfère tenter sa chance à la course. Mais tu ne pourras jamais courir plus vite que le lion, lui dit-il. Je sais, mais je n’ai pas besoin de battre le lion à la course, il suffit que je coure plus vite que toi. Pendant qu’il te mangera, j’aurai largement le temps de me mettre à l’abri. À méditer.